Thématique ... Histoire
Article publié dans la revue LAVE N°208
Les éruptions historiques de l’Etna
Stefano BRANCA* & Jean-Claude TANGUY
* Directeur de l’Observatoire de l’Etna, INGV sezione di Catania, Piazza Roma 2, 95127 Catania (Italie)
[ Cet article est la traduction de «Le eruzioni di epoca storica dell’Etna » publié en 2021 par INGV Vulcani, le blog informatique de l’INGV]
1. L’Etna en éruption, 1537
(incision sur feuille de cuivre d’une aquarelle, Münster 1628)
L’histoire éruptive de l’Etna au cours des derniers trois mille ans est aujourd’hui mieux connue grâce à de nouvelles recherches multidisciplinaires (stratigraphiques, radiométriques, magnétiques et historiques) qui ont permis de reconstruire en détail l’activité du volcan sicilien. Ces recherches ont abouti à la réalisation d’une nouvelle Carta geologica del Vulcano Etna (Branca et al., 2011, figure 2).
La «période historique » de l’Etna comprend environ trois millénaires et suivant une opinion tenace on pourrait croire que les éruptions du volcan sicilien pendant cet intervalle sont bien connues grâce aux informations tirées des écrits historiques.
Mais en réalité ces documents présentent beaucoup d’imprécisions, voire contradictions, et surtout d’énormes lacunes temporelles : il n’y a aucune information valable durant la période allant de 252 après J.-C. à 1062 (Tanguy, 1981).
En remontant plus avant dans le temps, les documents d’époque gréco-romaine se révèlent rares, peu fiables et insuffisamment détaillés pour individualiser les bouches éruptives ou l’extension spatiale des coulées de lave. Il s’en suit que les principaux paramètres volcanologiques des éruptions, parmi lesquels l’estimation du volume des produits émis, restent très douteux ou complètement inconnus.
Ces données sont fondamentales pour reconstituer la dynamique du volcan et le déroulement de son activité éruptive. En conséquence, afin de dépasser les limites de connaissance liées au seul usage des sources historiques, pour la réalisation de la nouvelle carte géologique de l’Etna on a utilisé une approche multidisciplinaire.
Des datations récentes, archéomagnétiques et radiométriques (226Ra-230Th), montrent que 80% des coulées de lave antérieures au XVIIIe siècle ont été attribuées par les documents historiques à des éruptions différentes de celles qui les ont réellement produites, la différence d’âge en certains cas variant de plusieurs siècles jusqu’à un millénaire (par exemple la coulée sq sur le flanc SE, considérée jusqu’à ces derniers temps de 1408 et datée par l’archéomagnétisme de 450 avec une marge d’erreur de 50 ans).
2. Carte des éruptions historiques de l’Etna depuis le VIe siècle avant J.-C. (Branca et Abate, 2019, d’après tanguy et al., 2007, 2014). Les acronymes des coulées de lave sont ceux indiqués dans le texte: a) pourcentages des éruptions latérales dans les secteurs sud, ouest et Nord de l’Etna.
L’époque grecque
Pour les éruptions d’époque grecque les documents historiques sont rares et en général ne précisent pas la localisation des produits volcaniques : une seule coulée de la cette période peut être identifiée, celle qui a atteint la mer en 396 avant J.-C., bloquant l’armée carthaginoise en marche de Taormine vers Syracuse, comme le précise Diodore de Sicile. Cette éruption a produit le large champ de lave visible aux environs de l’actuel village de Santa Tecla (mg sur les figures 2 et 3), dont l’origine est le cône de scories du mont Gorna. Cette coulée a dû recouvrir celle de 479 dont l’arrivée dans la mer est décrite par Pindare (voir Tanguy et al., 2007, p. 76).
Au contraire le passage de Thucydide relatant l’éruption de 425 avant J.-C. « qui ravagea certaines terres des Catanais » ne permet pas d’en localiser la coulée : celle-ci pourrait correspondre au vaste champ de lave du mont Arso (aa) sur le versant Sud-Ouest.
L’époque romaine
L’époque romaine n’est guère mieux lotie pour ce qui concerne la précision des données. En 140 avant J.-C. Julius Obsequens rapporte de façon générale des « feux » plus abondants que d’habitude, probablement une activité au sommet. Par la suite deux grandes éruptions latérales, sur les bas versants Sud et Sud-Est, ont engendré les cônes du Monpilieri (ir) et du Salto del Cane (sd). En tenant compte des incertitudes des méthodes de datation magnétique et 226Ra-230Th, ces éruptions pourraient être cellesde 135 et 126 avant J.-C. rapportées (mais non localisées) par Julius Obsequens.
En 122 avant J.-C. se produisit la grande éruption plinienne qui forma la Caldera del Piano et causa l’effondrement de nombreuses toitures dans la ville de Catane par suite des chutes de matériaux pyroclastiques (Kieffer, 1975, in Tanguy 1981). Pour l’activité successive il n’est pas possible de préciser quand eurent lieu les éruptions de Tacca delle Neve (ne) et de Caselle, l’incertitude des datations radiométriques dépassant 200 ans. La première de ces coulées, à l’Ouest du sommet actuel, correspond vraisemblablement à un débordement sommital. quant à la seconde, elle résulte également d’une éruption non signalée survenue dans la Valle del Bove.
Seuls Lucain et Virgile précisent, en 49-44 avant J.-C., des éruptions latérales très importantes vers l’Ouest : « ignis in Hesperium cecidit latus » (le feu fendit le côté en direction de l’Hespérie, Lucain, voir Branca et al., 2015). Ces éruptions ont construit les grands cônes des Monts Minardo (mm) et Ruvolo (rv) dont les laves ont un âge radiométrique et archéomagnétique compatible avec cette époque.
En 44 avant J.-C., la mort de César fut précédée par une violente éruption sommitale (subplinienne) avec des dépôts de retombée sur le versant Nord oriental de l’Etna ; les cendres se dispersèrent jusqu’en Calabre. Par la suite des informations très générales sont rapportées en 36 (Appien) et 32 (Dion Cassius). Par contre, Strabon décrit en détail, vers 10-20 après J.-C., une activité persistante à l’intérieur de la Caldera del Piano. Enfin, selon Suétone, des grondements auraient effrayé l’empereur Caligula, vers 38-40.
3. Carte des éruptions de l’Etna pendant l’époque gréco-romaine (de 734 avant J.-C. à 476 après J.-C.) et pendant le Haut Moyen-Age (476-1000)(Branca et al., 2015). Les acronymes sont ceux indiqués dans le texte.
Premier millénaire de l’ère chrétienne
L’éruption de 252, un an après le martyre de Sainte Agathe, est la seule qui soit rapportée avec quelque détail par les chroniques du premier millénaire de l’ère chrétienne. Les nouvelles données magnétiques et stratigraphiques montrent que cette éruption a formé le cône du Monpeloso au Nord-Est de Nicolosi, ainsi que sa brève coulée (mp) s’arrêtant vers 450 m d’altitude.
La violente et spectaculaire activité explosive a dû épouvanter les habitants du flanc méridional qui se sont vus directement menacés, alors que les fronts les plus avancés se sont arrêtés bien avant Catane (les Acta sanctorum, chroniques des Bollandistes, précisent que l’éruption a duré moins d’une semaine). Ce non-événement fut donc considéré comme un miracle, et il est surprenant que des géologues modernes (XIXe et XXe siècles) en aient recherché la lave dans le centre urbain de Catane, comme indiqué dans les précédentes cartes géologiques. Les coulées attribuées à 252 par ces auteurs ont des âges radiométriques de l’ordre de 2700 avant J.-C. (coulée de S. Giovanni Galermo sur la carte géologique de 2011).
Vers la fin de l’époque romaine, deux éruptions importantes ne sont mentionnées dans aucun texte historique, bien qu’elles se soient produites sur le bas versant Sud-Est (figures 2 et 3). Il s’agit des coulées de San Giovanni la Punta (sq, 350 ± 50) et de Piazza Sant’Alfio (oi, 450 ± 50). Les restes d’un segment de la fissure éruptive de Piazza Sant’Alfio peuvent se retrouver dans un rempart de scories (sbd) superposé au cône du mont Salto del Cane. Durant la même période sur le versant occidental se sont aussi produites trois importantes éruptions latérales : Rifugio Palestra (fp, 250 ± 100), Albero Bianco (ab, 350 ± 100) et Bronte (nt, 450 ± 50), (figure 3).
Pendant le Haut Moyen Age (476 à 1000 environ), nous avons identifié six éruptions latérales sur les versants méridional et oriental : Fossa della Nave (ty, 500 ± 50), Monte Solfizio (fs, 550 ± 50), Millicucco (ml, 700 ± 80), Gallinara (gx, 700 ± 80), Primoti, ix, 700 ± 50). Pendant la même période se sont aussi produites au moins une éruption sur le versant occidental (Rifugio La Caccia, ip, 800 ± 50), deux sur le versant Nord-occidental (Murazzo Rotto, vt, 950 ± 50, Serra del Monte, el, 950 ± 50), et une sur le versant Nord-oriental (Mt Rinatu, ri, 1000 ±50), (figure 3).
Entre l’an mille et 1300
Entre l’an mille et 1300 ont eu lieu des éruptions latérales très importantes sur plusieurs versants et jusqu’à des altitudes très basses (figure 2). Parmi celles-ci, il faut d’abord citer au SSW le grand cône du mont Sona et sa longue coulée (oh, 1000 ± 30) parvenue au voisinage de Paterno. De l’autre côté, sur le bas versant ENE, le champ de lave de Scorciavacca (si, 1020 ± 40) est issu d’une fissure à moins de 1 000 m d’altitude.
Le grand cône du mont Ilice (mi, 1030 ± 30) s’est formé à 800 m d’altitude sur le versant Sud-Est, produisant en outre de larges coulées de lave qui atteignirent la côte au niveau de l’actuel village de Stazzo. Sur le versant occidental la coulée du mont Gallo (lw, 1060 ± 50) peut correspondre à l’éruption mentionnée par Godefroy Malaterra en 1062 visible de la ville de Troina, à 28 km au Nord-Ouest de l’Etna. Sur ce même versant furent émises les coulées de Galvarina (gl, 1120 ± 30) et celle provenant du Mont Arso Ouest (ar, 1150 ± 30).
L’éruption des monts Arsi di Santa Maria (sm, 1160 ± 20), sur le bas versant méridional à 460 - 360 m d’altitude, produisit une brève coulée atteignant la mer à 2,3 km au Nord-Est de la cité médiévale de Catane. Cette coulée avait été attribuée à 1381 (Sartorius von Waltershausen, 1844-1859 ; Romano et al., 1979) à partir d’un témoignage peu clair du moine Simon de Lentini. La datation archéomagnétique très précise (Tanguy et al., 2007) montre que cette coulée a dû précéder ou suivre de peu le grand séisme tectonique de 1169, qui ravagea Catane et provoqua la mort de plus de 15 000 personnes. Le peu d’attention accordée à la coulée doit être dû à ce que l’éruption était considérée négligeable en comparaison des effets désastreux du tremblement de terre.
Vers la même époque se produisit une éruption sur le bas versant Nord-Est, dont la coulée ravagea le territoire de Linguaglossa (li, 1180 ± 30). Cette lave avait été attribuée par erreur à « 1566 » (Sartorius, 1844-59; Romano et al.,1979), la « vraie » coulée de 1566 se trouvant plus au Nord (figure 2). Ensuite se produisirent, sur les flancs Ouest et Sud-Ouest, quatre autres éruptions latérales : Mt. Forno (of, 1200 ± 20), Casa Costarelli (tl, 1250 ± 20), Mt Nero degli Zappini (za, 1250 ± 20) et Montarello (lq, 1270 ± 20).
En 1285 s’ouvrit dans la Valle del Bove une fissure éruptive d’où s’épancha une longue coulée provoquant des dommages aux régions boisées et cultivées du bas versant oriental (figure 2). Cette coulée est la plus ancienne qui puisse être identifiée grâce à un document historique, parce qu’elle a menacé une petite église byzantine, celle de Santo Stefano (Saint Stéphane) sur le bas versant oriental, dont les ruines subsistent aujourd’hui (figure 4).
4. a) Modèle digital de terrain montrant la localisation de l’église byzantine de santo stefano et la coulée de lave de 1285 qui a recouvert la zone de dagala del re sur le bas versant oriental et longé le côté Nord de l’église.
b) vue de santo stefano (Branca & Abate, 2019).
Entre 1300 et 1600
Entre 1300 et 1600, les données géologiques et historiques ont permis d’identifier dix éruptions latérales notables. Celle de 1329, vers 550 m d’altitude sur le bas versant oriental, donna naissance au cône du Monte Rosso près du village de Fleri, et la coulée de lave engloutit des champs cultivés jusqu’en amont de la ville actuelle d’Acireale. Sur le haut versant Nord-Ouest au contraire, la coulée du Rifugio Maletto (rm, 1350 ± 50) passa inobservée. Par ailleurs, une brève référence attribuée au moine simone da Lentini mentione en 1381 une coulée dans les terrains cultivés de Catane, coulée dont les données stratigraphiques et radiométriques excluent l’existence. Considérant que la surface cultivée en ce temps-là s’étendait jusqu’à 800 m d’altitude, la coulée en question peut avoir été recouverte par celles des éruptions de 1537 et 1669.
L’éruption de 1408 est bien décrite car elle eut lieu sur le bas versant Sud-Est, causant de grands dommages aux terrains cultivés et détruisant une partie du bourg de Pedara. En 1444 est reportée une éruption « vers Catane » accompagnée de l’écroulement du cône central. Bizarrement, les contemporains qui citent l’éruption de 1408 ne rapportent pas celle de 1444, et vice versa. La coulée de 1444, comme celle de 1381, a dû être recouverte par celles des éruptions ultérieures. En 1446 une autre éruption se fit jour dans la Valle del Bove et la coulée descendit jusqu’au village actuel de Zafferana. En 1447 est signalée une éruption sommitale avec débordement de lave.
Les éruptions de 1536 et 1537 recouvrirent le moyen versant méridional, causant de grands dommages aux cultures et aux villages de Nicolosi et Monpilieri. En 1566 s’ouvrit une fissure sur le flanc Nord et la coulée descendit jusqu’à la localité Iannazzo, près du bourg actuel de Passopisciaro. Enfin les sources historiques indiquent une éruption très explosive en 1579 ou 1580 (abbé Rocco Pirri), dont la coulée se serait dirigée vers Acireale, mais on n’en a trouvé aucune trace radiométrique ou magnétique.
XVIIe – XVIIIe siècles
Ce n’est qu’à partir des années 1600 que les chroniques historiques deviennent vraiment utilisables. En juillet 1603, l’activité du cratère central s’intensifia et plusieurs débordements de lave eurent lieu. L’historien Ribizzi écrit « le 28 juin 1607 le Mongibello s’ouvrit vers les Monticelli » (actuel Mont Spagnolo sur le versant Nord-Ouest). Toutefois le vaste champ de lave de 1610, qui menaça la petite ville d’Adrano, fut produit entre le 6 février et la fin août 1610 par deux fissures distinctes, mais très proches.
De 1614 à 1624 eut lieu sur le versant septentrional la plus longue éruption latérale de l’histoire récente, qui forma le vaste champ de lave dit « Sciara del Follone ». L’éruption de 1634-36 recouvrit la partie méridionale de la Valle del Bove, et la coulée détruisit des bois et vignobles entre Zafferana et Fleri. C’est le plus ancien événement éruptif de l’Etna représenté par des dessins (figure 5).
5. a) Carte du champ de lave de 1634-36, en partie recouvert par les coulées des éruptions suivantes (d’après Branca & Abate, 2019)
b) dessin de l’éruption commencée le 19 décembre 1634 dans «Brève relation du nouvel incendie du Mongibello en sicile », manuscrit anonyme (Branca & Abate, 2019)
c) dessin par Antoine Leal de l’éruption commencée le 19 décembre 1634 (Branca & Abate, 2019).
En 1643 se produisirent deux brèves éruptions latérales, l’une en février sur le haut versant Nord et dont les produits ont été ultérieurement recouverts, l’autre sur le versant Nord-Ouest et qui s’est produite au mois de juillet. En 1651 eut lieu une grande éruption vers l’Ouest qui dura pendant trois ans et produisit le vaste champ de laves appelé « sciara di san Antonio ». Cette éruption détruisit une partie de Bronte et de nombreux terrains cultivés.
La fameuse éruption de 1669 constitue l’événement le plus destructrif de l’époque historique (LAVE, n° 194). En quatre mois furent émis 600 millions de m3 de lave qui recouvrirent 40 km2 sur une longueur de 17 km. Les flots de lave détruisirent neuf villages et seulement une petite partie du quartier occidental de Catane, car les puissantes murailles médiévales dévièrent vers la côte la coulée qui s’accumula contre le château Ursino (figure 7). L’éruption fut aussi caractérisée par une intense activité explosive qui forma le grand cône appelé à l’époque mont de la Ruine (aujourd’hui mont Rossi), ainsi qu’un dépôt de cendres d’une épaisseur considérable entre Pedara et Nicolosi, provoquant l’écroulement des toits de plusieurs maisons.
7. Vue pseudoprospective de Catane durant l’éruption de 1669, in «Atlante del principe Eugenio », W. schelling, XVIIe siècle.
Après 1669, l’Etna a fait preuve d’une basse activité éruptive caractérisée par seulement trois éruptions latérales (1682, 1689, 1702), toutes dans la Valle del Bove. En 1723, cependant, l’activité avait repris au Cratère Central avec divers débordements de lave vers l’Ouest. En mars 1755 la brusque ouverture d’une fracture éruptive provoqua une énorme coulée de boue (lahar) qui ravagea le versant oriental.
En 1763, deux éruptions latérales éclatèrent à seulement quatre mois de distance, l’une le 6 février sur le versant Ouest, l’autre le 19 juin sur le versant Sud. Par la suite, en 1764-65, un document de l’archive des Bénédectins de Catane rapporte une longue effusion de lave au-dessus de Randazzo, sans doute d’origine subterminale. En 1766 vers le Sud, puis en 1780 vers le Sud/Sud-Ouest, deux éruptions latérales distinctes produisirent d’importantes coulées.
En juillet 1787 des fontaines de lave au Cratère Central formèrent une colonne éruptive haute de 3 km. En 1792-93 un large champ de lave se développa sur le flanc Sud-Est et les fronts de coulée arrivèrent aux portes de Zafferana. De plus, les données stratiraphiques et archéomagnétiques ont montré qu’entre la fin des années 1700 et le début de 1800, une éruption latérale sur le haut versant Nord-Ouest, non enregistrée dans aucun document historique, a produit une coulée dénommée dagala dell’orso.
XIXe siècle
Au XIXe siècle le volcan a repris un rythme soutenu avec treize eruptions latérales, à des intervalles variables de deux à treize ans : 1802 dans la Valle del Bove (VDB), 1809 sur le bas versant Nord, 1811 (VDB), 1819 (VDB). En 1832 une importante éruption a eu lieu sur le versant Ouest et menacé la petite ville de Bronte, comme celle de 1843 qui causa 59 morts par explosion phréatique au front de coulée. L’éruption de 1852 dura neuf mois dans la VDB, créa les monts Centenari et menaça le village de Zafferana.
En 1865 une éruption sur le moyen versant Nord-Est créa les monts Sartorius (nom du premier cartographe de l’Etna).
En 1874 sur le versant Nord une éruption « avorta » au bout d’une journée, mais en 1879 la zone de fractures se rouvrit et, traversant le cône central, se prolongea sur le haut versant Sud-Ouest tout en élargissant les fissures Nord/Nord-Est (éruption appelée parfois biradiale): la lave descendit jusqu’au fleuve Alcantara.
En 1883 une fissure s’ouvrit sur le flanc Sud à l’altitude exceptionnellement basse de 1 000 m, faisant craindre un désastre comme en 1669, mais au contraire l’éruption se termina après trois jours, ayant produit une minuscule coulée. En 1886 la même fissure se rouvrit plus haut (autour de 1 400 m d’altitude), vomissant cette fois un vaste champ de lave jusqu’aux premières maisons de Nicolosi, qui fut entièrement évacué. En 1892 enfin l’éruption dura six mois : les projections des bouches vers 1 900 m d’altitude construisirent les cônes de scories des monts Silvestri (nom du grand volcanologue décédé deux ans plus tôt), ainsi qu’un vaste champ de lave sur le moyen versant Sud.
6. éruption de 1928, la destruction de Mascali (courtoisie de A. duncan).
XXe siècle
Durant la première moitié du XXe siècle des éruptions latérales ont eu lieu en 1908 (VDB) et surtout en 1910 par une longue fissure sur le versant Sud, puis à l’opposé en 1911 sur le versant Nord/Nord-Est. Après une brève éruption en 1918 vers le Nord-Ouest, une importante éruption eut lieu en 1923 vers le Nord-Est, dont la coulée menaça Linguaglossa, détruisant la bourgade de Catena.
En novembre 1928 une fissure descendit en trois jours vers l’Est/Nord-Est, dont la coulée recouvrit entièrement le centre habité de Mascali, parvenant à 25 m d’altitude et 1 km du bord de la mer Ionienne (figure 6).
Par la suite, les petites éruptions de 1942 (versant Sud-Ouest), de 1947 (versant Nord) et de 1949 (versants Sud-Nord et Nord-Ouest) annoncèrent la volumineuse émission lavique de 1950-51 dans la VDB, durant plus d’un an.
Cette éruption et surtout la longue activité sommitale en 1955-1971 (cratère Nord-Est, mais aussi paroxysmes de la Voragine centrale en 1956, 1960, 1961, 1964) ouvrent la période moderne.
La fréquence des éruptions latérales augmente de façon drastique avec une quinzaine de nouvelles fissures en vingt ans : 1971, 2 en 1974, 3 en 1978, 1979, 1981, 1983, 2 en 1985, 1986, 1989, 1991 (figures 8 et 9). De plus, la longue éruption de 1991-1993 a produit le plus grand volume de lave depuis 1669, quadruplant le taux d’effusion par rapport aux deux siècles précédents. En même temps on a vu augmenter la fréquence des paroxysmes sommitaux avec fontaines de lave aux quatre cratères, en particulier au nouveau Cratère Sud-Est né en 1971.
8. éruption de 1971 : les bouches de la localité serracozzo, sur le versant ENE de l’Etna.
image © Jean-Claude tanguy.
9. éruption de 1974 sur le flanc ouest : naissance d’un nouveau cône.
image © Jean-Claude tanguy.
Celui-ci a montré une activité quasi continue entrecoupée de paroxysmes (66 pendant les huit premiers mois de l’an 2000).
Le début du XXIe siècle a été marqué par les grandes éruptions latérales de 2001 et 2002-03 qui ont eu lieu sur les flancs Sud et Nord/Nord-Est du volcan, accompagnées d’une activité explosive intense et prolongée. Après une brève pause en 2004-2005, l’activité explosive a repris en 2006 au CSE avec fontaines et coulées de lave vers la Valle del Bove.
En 2008-2009 s’est produite une éruption latérale avec fissure juste à l’Est du cône sommital et depuis 2011 le CSE a produit de nombreuses fontaines de lave qui ont construit de nouveaux cônes.
Enfin le 24 décembre 2018 a eu lieu une brève éruption latérale dans la VDB accompagnée d’une forte sismicité, en particulier une secousse de Magnitude 4.9 sur le bas versant Sud-Est (faille de Fiandaca) provoquant de nombreux dommages aux habitations et infrastructures entre Fleri et Santa Maria la Stella. Au printemps 2019 recommençait l’activité du CSE culminant avec une nouvelle série de grands paroxysmes en 2021...
10. de janvier à juin 2000, le Cratère sud-Est a été le siège d’une soixantaine de paroxysmes caractérisés par des fontaines de lave mélangées à des colonnes de cendres (colonnes « subpliniennes »), avec émission de coulées rapides jusqu’à plusieurs kilomètres. L’un des plus violents paroxysmes, le 16 avril, a produit une petite nuée ardente (« coulée pyroclastique ») se répandant comme une avalanche de cendres derrière la torre del filosofo.
image © Jean-Claude tanguy.
Orientation bibliographique
– Branca S., Coltelli M., Groppelli G. & Lentini F. (2011) – geological map of Etna volcano, 1:50 000 scale. Italian Journal of Geosciences, 130, 3, 265-291.
– Branca S., Condomines M., Tanguy J.-C. (2015) - flank eruptions of Mt Etna during the greek-roman and early medieval periods : new data from ra-th dating and Archeomagnetism. Journal of Volcanology and Geothermal Research, 304, 265-271.
– Branca S., Abate T. (2019) – Current knowledge of Etna’s flank eruptions (italy) occurring over the past 2500 years, from the iconographies of the XVii century to modern geological cartography. Journal of Volcanology and Geothermal Research, 385, 159-178.
– Romano R., Lentini F., Sturiale C. et alii (1979) – Carta geologica del Monte Etna, scala 1:50 000, in Memorie della Società Geologica Italiana, 23 (1982).
– Sartorius von Waltershausen W. (1844-59) – Atlas des Aetna (13 feuilles au 1:50 000).
– Tanguy J.C. (1981) – Les éruptions historiques de l’Etna : chronologie et localisation. Bulletin Volcanologique, 70, 585-640.
– Tanguy J.C., Condomines M., Le Goff M., Chillemi V., La Delfa S., Patanè G. (2007) – Mount Etna eruptions of the last 2750 years : revised chronology and location through archeomagnetic and 226Ra-230Th dating. Bulletin of Volcanology, 70, 55-83.
– Tanguy J.C., Condomines M., Branca S., La Delfa S., Coltelli M. (2012) – New archeomagnetic and 226Ra-230Th dating of recent lavas for the geological map of Etna volcano. Italian Journal of Geosciences, 131 (2), 241-257.
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La plus célèbre des éruptions historiques de l’Etna s’est produite du 11 mars au 11 juillet 1669. Souvent confondue avec les séismes meurtriers de 1169 et 1693, elle n’a causé aucune victime directe et n’a pas détruit Catane : l’une des coulées ayant envahi seulement une petite partie de la ville ...
Fin juillet, nous avons eu la chance de pouvoir séjourner une semaine dans un gîte sur les pentes de l’Etna à Puntalazzo. Grâce à l’accompagnement de Pippo Scarpinati, de Muriel et d’Aurélien, nous étions à pied d’oeuvre pour pouvoir explorer cette montagne qui nous est apparue grandiose et dominante ...
Les ronds de fumée qui sortent de l’etna sont connus depuis fort longtemps et pippo Scarpinati nous en a proposé une explication dans la revue LAVE n° 60 (avril 1996). Depuis une vingtaine d’années ce phénomène était devenu rare sur l’Etna et devenait un mythe ...