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Article publié dans la revue LAVE N°188

Pompéi selon les peintres

Dominique DECOBECQ

La destruction de Pompéi et Herculanum

1.  «La destruction de Pompéi et Herculanum» (1822), restauré en 2011. Peinture de John Martin (1789-1854). Huile sur toile (161 x 253 cm).
Tate galerie

Pour les peintres du paysage du XVIIème au XIXème siècles, l’Italie, Rome, Naples, Venise... sont des sites d’inspiration exceptionnels. Les paysages représentés sont souvent des ruines antiques. Il est vrai que la mode était à la peinture de vestiges avec des ruines de l’Empire romain: des arches isolées, des trophées détruits, des colonnades orphelines... Cette passion pour l’Antique servait d’émulation aux peintres italiens et européens, c’était à qui allait le mieux représenter des scènes issues de la mythologie : «Les Horaces et les Curiaces », «L’enlèvement d’Europe », « La naissance de Vénus », «L’enlèvement de Psyché », «Nymphe enlevée par un Faune »...

        

Certains de ces peintres académiques reconstituent avec les connaissances de l’époque l’éruption du Vésuve qui détruisit Pompéi en 79 après J.-C. (voir article précédent sur la mémoire des murs de Pompéi et d’Herculanum). Ainsi, pour le peintre Anglais John Martin, un spécialiste des peintures sur la fin du monde et des vagues destructrices, le thème de Pompéi était idéal pour appliquer son savoir-faire sur le rendu des catastrophes. Sa peinture (photo 1) est semblable à un décor de théâtre de l’époque avec plusieurs plans qui se succèdent et au loin le Vésuve en pleine fureur.

        

Les derniers jours de Pompéi

2.  «Les derniers jours de Pompéi » (1834-1850). Peinture d’Henri-Frédéric Schopin (1804-1880). Huile sur toile (59 x 91 cm), Petit Palais, musée des Beaux-Arts de Paris.

        

        Henri-Frédéric Schopin se rapproche de la cité et des habitants. Sa peinture «Les derniers jours de Pompéi» (photo 2) évoque plus la fuite, la panique devant la lueur pas si lointaine du Vésuve.

        

Le dernier jour de Pompéi

3.  Le dernier jour de Pompéi (1830-1833). Peinture du russe Karl Brioullov (1799-1852), huile sur toile (456 x 651 cm), musée russe de Saint-Pétersbourg.

        

        En 1828, Karl Brioullov, un peintre russe visite Pompéi, où il exécute de nombreux croquis ayant pour thème l’éruption du Vésuve de l’an 79. Quelques années plus tard il réalise une oeuvre monumentale plus de 6,5 m de long pour 4,5 m de large (photo 3). Ici le Vésuve est évoqué en arrière-plan à la manière d’une oeuvre du chevalier Volaire, ce peintre originaire de Toulon est installé pendant plus de vingt ans à Naples, qui reproduisait les éruptions du Vésuve avec des coulées rougeoyantes. Pour Brioullov, c’est la représentation du monde Antique qui est englouti avec des habitants fuyants les mains encombrées de trésors et ne pouvant se protéger de la chute des ponces. Sa toile sera exposée pour la première fois à Rome puis ensuite au Louvre. Selon la légende, c’est ce tableau qui inspira Edward Bulwer-Lytton, pour son roman Les Derniers Jours de Pompéi (publication en 1834). La peinture de Karl Brioullov aux nombreux détails est utilisée régulièrement (souvent en recadrage) pour des couvertures d’ouvrages traitant de Pompéï. Elle a inspiré aussi des affichistes pour les nombreux films, qui jalonnent régulièrement l’histoire du cinéma. József Molnár dans son tableau «Destruction de Pompéi» (photo 4) reprend ce thème de la fuite éperdue des nobles et de la plèbe, tous égaux devant l’éruption du Vésuve et où l’or n’est d’aucune utilité.

        

Destruction de Pompéi (1876)

4.  Destruction de Pompéi (1876). Peinture du Hongrois József Molnár (1821-1899). Huile sur toile (276 x 410 cm), collection privée.

        

        Hector Leroux dans «Herculanum, 23 août 79», prend du recul et montre le Vésuve, au loin, comme une peinture de l’époque destiné aux touristes, mais au premier plan (photo 5), il ajoute une patricienne, qui s’est enfuie avec ses domestiques et qui meurt de découvrir la perte de ses biens.

        

Herculanum, 23 août 79

5.  «Herculanum, 23 août 79» (1881). Peinture d’Hector Leroux (1829-1900). Huile sur toile (189 x 301 cm), RMM, Musée d’Orsay.
image © nathalie Duverlie.

        

        Un autre thème lié à l’éruption du Vésuve est la mort par asphyxie du trop curieux Pline l’Ancien. Pierre-Henri de Valenciennes reconstitue ainsi la scène d’étouffement du naturaliste dans «Éruption du Vésuve le 24 août 79», le nuage de cendre reliant en diagonale le cratère du Vésuve et Pline l’Ancien (photo 6). Le peintre a relu les lettres de Pline le Jeune, le neveu de Pline l’Ancien, et tente de donner au nuage de cendres une forme de pin parasol, tout en dégageant le cratère du Vésuve afin que sorte un rougeoiement comparable à l’enfer.

        

        Pline le Jeune qui est entré en volcanologie par ses deux lettres à Tacite où il décrit bien plus tard cette funeste journée avec la mort de son oncle. Pline le Jeune a observé l’éruption depuis Misène. C’est ce que traduit la peintre Angelica Kauffmann, mais plus habituée aux portraits elle ne montre le Vésuve que de très loin (photo 7). Le sujet principal c’est Pline le Jeune entouré de sa mère et ses serviteurs qui ne regardent pas le Vésuve. Elle n’est pas une peintre du paysage, mais elle témoigne qu’en 1785, ce type de peinture n’est pas encore à la mode.

        

Pline le jeune et sa mère à Misène

7.  «Pline le jeune et sa mère à Misène » (1785). Peinture d’Angelica Kauffmann (1740-1807). Huile sur toile (103 x 127 cm), Princeton university, The Art Museum.

        

        Pour finir cet article, une oeuvre énigmatique de l’Anglais Edward Poynter (photo 8). Un centurion abrité sous une arche, fidèle à son poste jusqu’à la mort, garde un bâtiment public qui va être enfoui. Il semble désappointé devant l’inappropriation de sa fonction alors que tout s’effondre autour de lui.

        

Faithful unto death

8.  Faithful unto death (1865), par edward Poynter (1836-1919), huile sur toile (115 x 75,5 cm), Walker Art Gallery, Liverpool.

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