La renaissance archéologique de Pompéi

Claude GRANDPEY

[ Naples ! Près d’un million d’habitants ! Au coeur de la Campanie, à 230 km au sud-est de Rome, la ville étire ses tentacules au pied du Vésuve et à proximité des Champs Phlégréens, une zone volcanique qui ne demande qu’à entrer en éruption.
Le voyageur qui arrive en vue de Naples est surpris de voir une conurbation aussi vaste au pied d’un volcan dont les éruptions ont tué des milliers de personnes. Les 4 000 morts de l’éruption de 1631 ou la centaine de victimes de l’événement de 1906 ne semblent pas avoir freiné la frénésie immobilière des Napolitains, pas plus que le dernier coup de semonce de 1944.]

1.  Via dell’Abbondanza
Image © Dominique Decobecq

        L’éruption la plus célèbre du Vésuve, celle à laquelle font référence les livres d’histoire dans les écoles italiennes, s’est produite en l’an 79 de notre ère. Elle a enfoui sous une épaisse couche de cendre et de pierre ponce des villes romaines ayant pour nom Pompéi, Herculanum, Stabies ou encore Opiontis. Pline le Jeune, sénateur et célèbre avocat romain sous les règnes de Titus à Trajan, a parfaitement décrit l’éruption de 79 dans ses Lettres à Tacite.

        Située à proximité de la célèbre baie de Naples, Pompéi est un joyau archéologique qui attire chaque année des milliers de visiteurs. A l’époque romaine, Pompéi est une cité relativement prospère au sein d’une région fertile, la Campanie. Elle se développe dans tous les domaines, en particulier dans le secteur économique, largement favorisée par son arrière-pays fertile et par sa position géographique. Toutes les activités liées au commerce et au trafic maritime connaissent leur heure de gloire, mais la richesse de Pompéi provient avant tout de la terre. Les fertiles sols volcaniques sont propices à la culture de la vigne. Les pierres de la région rapportent elles aussi de l’argent car elles font les meilleures meules pour les moulins à huile.

        Grâce à ces ressources économiques, Pompéi se développe et s’enrichit plus vite que les autres villes de Campanie. Il s’ensuit une augmentation générale de la qualité de vie d’une grande partie des différentes classes sociales. Les nouveaux riches font étalage de leur opulence par le biais de somptueuses demeures, d’objets et de bijoux précieux. L’expansion urbaine se réalise surtout le long de la bien nommée via dell’Abbondanza – voie de l’Abondance – qui devient le centre symbolique de la nouvelle classe émergente.

        Avant sa destruction en 79, Pompéi fut victime de plusieurs catastrophes naturelles. Ainsi, en février 62, un puissant séisme endommagea fortement certains édifices thermaux et une bonne partie du réseau d’eau courante. Vers 70, la cité subit une nouvelle série de secousses telluriques qui incitèrent une partie des habitants à quitter la ville pour des lieux plus sûrs.

2.  La ville de Naples et le Vésuve
Image © Dominique Decobecq

3.  Le cratère du Vésuve aujourd’hui
Image © Claude Grandpey

Un site à l’abandon

        Jusqu’en 2012, faute d’argent pour y effectuer des fouilles dignes de ce nom, les ruines de Pompéi sont restées quasiment à l’abandon, envahies par les herbes folles, et exposées au vandalisme.

        Les articles diffusés par la presse internationale et italienne, et les informations transmises par le Parco Archaeologico di Pompei permettent de suivre l’évolution de la situation.

L’état d’urgence !

        En 2008, le gouvernement italien déclare l’état d’urgence à Pompéi pour essayer de sauver le site archéologique de décennies de négligence. Un commissaire spécial est nommé car la situation a été jugée plus qu’intolérable par le ministre de la Culture. Cela faisait longtemps que les archéologues et les historiens tiraient la sonnette d’alarme sur le piteux état de Pompéi, victime du manque d’investissements, d’une mauvaise gestion, des ordures et des pillages.

        Un rapport publié dans le Corriere della sera indique que la plupart des 1 500 demeures du site sont fermées au public ; les fresques s’effacent avec le temps au point de devenir quasiment invisibles. Le travail de restauration entrepris en 1978 n’est toujours pas terminé.

        Le but de l’état d’urgence décrété par le gouvernement est censé permettre d’obtenir des fonds supplémentaires et de mettre en place des mesures spéciales pour protéger le site dont le tiers est toujours enfoui. Cette zone encore dissimulée sous les ponces est la plupart du temps recouverte d’immondices, suite à la crise des ordures qui affecte la ville de Naples toute proche. Des trésors archéologiques dorment sous des pneus, des réfrigérateurs et des matelas !

        L’abandon de Pompéi aux intempéries n’arrange rien. Durant le mois d’octobre 2011, suite aux fortes pluies qui se sont abattues sur la Campanie, un pan du mur d’enceinte du site s’effondre sur huit mètres carrés, près de la porte Nola. Cet événement intervient un an après l’effondrement de la maison des Gladiateurs en novembre 2010.

        Les archéologues et architectes locaux sont furieux car le gouvernement italien avait promis de débloquer des fonds et fournir du personnel destiné à la protection du site et rien de tout cela n’est arrivé. En revanche, une somme d’argent a été attribuée à des musées de Naples. Le ministre de la Culture a fait remarquer que seule la partie extérieure du mur d’enceinte était dégradée et que l’Union européenne allait débloquer 105 millions d’euros pour sauvegarder le site. Les spécialistes affirment, quant à eux, qu’il aurait suffi de 10 millions d’euros pour renforcer l’étanchéité du mur et l’empêcher de s’écrouler.

        Les autorités redoutent de nouveaux dégâts. Chaque jour, les gardiens du site de Pompéi ramassent des morceaux de murs ou d’édifices et s’empressent de les dissimuler avant l’arrivée des touristes.

4.  Intérieur de la Casa dei Vettii
Image © Claude Grandpey

5.  Fresque présentée à l’exposition Pompéi au Grand Palais
Image © Claude Grandpey

6.  Ruines à l’abandon © Claude Grandpey

7.  Effondrement sur le site de Pompéi (D.R.)

Le Grand Projet Pompéi

        Il faudra attendre le mois d’avril 2012 pour que l’Italie et l’Union européenne volent au secours de Pompéi. Le gouvernement italien lance le « Grand Projet Pompéi » et ses 105 millions d’euros visant à sauver Pompéi de la ruine, au sens propre du terme.

        Il est prévu que cet argent soit investi dans un projet de restauration à grande échelle. Le but est de préserver tous les insulae (immeubles d’habitation de l’époque romaine) menacés d’effondrement dans l’un des plus importants patrimoines culturels de la planète. Selon les autorités italiennes, la tâche sera « effectuée par des travailleurs honnêtes et qualifiés, en évitant le crime organisé qui sévit encore dans la région ».

        L’un des premiers sites restaurés est la maison Sirico qui a probablement appartenu à deux frères riches. Il est également prévu de reconstruire la maison des Gladiateurs

        Le groupe Italia Nostra qui milite pour la préservation de l’héritage culturel italien, estime que ce nouvel investissement est « un très bon début ». Toutefois il fait remarquer que la préservation de l’ensemble du site demanderait deux fois plus d’argent que celui qui vient d’être accordé par le gouvernement italien et l’Union européenne.

        Très vite, les sommes octroyées par le gouvernement italien et l’Union européenne portent leurs fruits. En novembre 2012, le Jardin des Fugitifs est de nouveau ouvert aux visiteurs après une fermeture qui a permis d’effectuer des travaux de restauration.

        Le site abrite en particulier les moulages en plâtre de treize habitants de Pompéi qui avaient essayé de fuir la terrible éruption du Vésuve. Prisonniers de la lave, les corps se sont par la suite décomposés et ont laissé des espaces vides dans la cendre durcie. Ces espaces ont été remplis de plâtre et ont donné naissance à des statues blanches particulièrement sinistres.

        La rénovation du site a également permis de construire un centre d’accueil où l’on trouve des explications sur les dernières heures de ces habitants. Malgré les progrès réalisés dans la préservation du site de Pompéi, tout est loin d’être parfait.

8.  Fresque qui s’estompe dans la Casa di sirico (VII-1-47)
Image © Dominique Decobecq

9.  Moulage d’un jeune pompéien
Image © Dominique Decobecq

10.  Casa della Fontana Piccola (VI-8-23) (© Wikipédia).

Une gestion encore défectueuse

        En 2013, cinq sites seulement sont ouverts au public, contre soixante-quatre en 1956. L’effondrement de plusieurs murs a généré une nouvelle polémique sur les efforts du gouvernement italien pour maintenir Pompéi en bon état. De nouveau, une partie d’un mur s’est effondrée le long de l’une des principales rues de Pompéi après des semaines d’intempéries. Le plâtre a également lâché prise sur le mur de la Casa della Fontana Piccola, richement ornée de fresques. Suite à une série d’effondrements au cours du mois de novembre 2013, les médias italiens ont surnommé le site « Novembre Noir. »

        La déclaration d’état d’urgence promulguée en 2008 n’a pas réussi à enrayer la dégradation. Il se dit que les fonds ont été détournés par la mafia, et il y a aussi des rapports de mauvaise gestion et de pillage. Les derniers effondrements viennent au mauvais moment pour le gouvernement italien qui, en octobre 2013, a fait voter un décret pour améliorer l’accès aux sites de Pompéi afin de stimuler le tourisme.

        Les difficultés continuent en 2014. Alors que le film Pompéi (en 3 D) vient de sortir sur les écrans au mois de mars, un mur de la ville romaine s’effondre une nouvelle fois. C’est la troisième structure du site à connaître le même sort après des jours de fortes pluies dans le sud de l’Italie.

        L’un des joyaux archéologiques du pays, Pompéi est devenu un symbole de la mauvaise gestion des sites culturels en Italie. Une réunion d’urgence est organisée par le nouveau ministre de la Culture après l’effondrement de la paroi d’une tombe et d’une partie d’un arc de soutien d’un temple de Vénus suite à de fortes pluies.

        Le dernier mur à s’être effondré fait partie d’un atelier au coin de la Via Nola qui avait été en partie restauré et renforcé avec une barre de fer. Il se trouve en bordure de la partie excavée du site, une zone menacée car le sol, gorgé d’eau, gonfle après la pluie et exerce une pression sur l’ancienne maçonnerie contre laquelle il vient s’appuyer.

        A cela s’ajoute les vols qui continuent à être perpétrés sur le site de Pompéi. Ainsi, un fragment de fresque de près de 20 cm de diamètre, sur lequel figure la déesse Artémis, a été dérobé dans la maison de Neptune, située dans une zone non ouverte au public. Le fragment a été dissocié de son ensemble à l’aide d’un objet métallique et a fortement endommagé la fresque qui ornait un des murs d’une petite salle de l’antique demeure.

        La mise en sécurité de Pompéi était pourtant un objectif du Grand Projet Pompéi et ses 105 millions d’euros financé en partie par l’Union européenne. Le problème, c’est que le projet a connu des retards suite à des désaccords au moment de l’adjudication des travaux.

        La seule bonne nouvelle de l’année 2014 est que le travail de restauration de la maison du Cryptoportique est terminé. Il s’agit d’une villa avec un passage souterrain qui avait été fortement endommagée pendant la Seconde Guerre mondiale.

11.  Affiche du film Pompei de Paul W. s. Anderson, au budget de 100 millions de dollars.

12.  Disparition de la déesse Artémis (VI-5-3)
© ministère italien de la Culture

13.  mosaïque dans la maison du Cryptoportique (I-6-2-4)
© Parco Archeologico di Pompei

Une découverte émouvante

        Les archéologues qui travaillent patiemment sur le site de l’ancienne ville romaine font parfois des découvertes émouvantes, comme celle révélée en mai 2015. L’éruption du Vésuve a été si soudaine que l’expression de terreur se lit encore sur les visages d’une mère et de son fils au moment où ils disparaissaient sous une épaisse couche de cendre et de ponce brûlantes. La mère et son fils, qui semble être âgé d’environ quatre ans, ont passé ensemble les dernières secondes de leurs vies. Le regard terrifié du fils laisse imaginer l’événement dont ont été témoins ces êtres humains.

        Selon les archéologues, le jeune garçon a probablement couru pour se blottir dans les bras de sa mère quand il a entendu le grondement de l’éruption du Vésuve. Les chercheurs ont préservé cette scène en prenant des moulages en plâtre des deux personnages.

        Parallèlement à cette découverte, une étude apporte des informations intéressantes, à la fois sur le nombre de victimes à Pompéi, les circonstances de leur mort et le déroulement de l’éruption. En reprenant les rapports de fouilles depuis le XVIIIème siècle, les victimes sont classées en deux catégories, selon leur position stratigraphique dans les dépôts éruptifs : soit dans la couche de pierres ponces de la première phase de l’éruption, soit dans la couche de cendres provenant des nuées ardentes qui suivirent. Dans le premier groupe, on dénombre 394 corps, dont la majorité (345) à l’intérieur d’immeubles, où elles s’étaient réfugiées. bon nombre d’entre elles furent victimes de l’écroulement des toits sous le poids des pierres ponces. Dans le second groupe figurent 655 personnes. Le nombre de corps trouvés à l’extérieur est considérablement plus élevé (319). Il s’agit d’individus qui, profitant de l’accalmie de l’éruption au matin du deuxième jour, crurent pouvoir s’enfuir et furent surpris par les nuées ardentes qui suivirent. A ces 1 049 personnes dénombrées en 2002, il convient d’ajouter une centaine de corps à propos desquels il n’y a pas d’informations précises.

14.  Moulages de victimes de l’éruption
© Parco Archeologico di Pompei

La situation s’améliore

        A partir de l’année 2015, la situation s’améliore, petit à petit, à Pompéi et le gouvernement italien décide de s’attaquer sérieusement au problème de restauration du site. Il est vrai qu’au vu des derniers événements – effondrements, coulées de boue, pillages, délinquance – l’UNESCO avait menacé de retirer Pompéi de sa liste du patrimoine mondial.

        Une enveloppe de 130 millions d’euros, dont 96 millions de fonds européens, est de nouveau octroyée pour la conservation et la rénovation de Pompéi, deuxième site touristique du pays derrière le Colisée de Rome, avec 2,7 millions de visiteurs en 2014.

        Le site a fait la Une des médias internationaux en raison de mouvements syndicaux qui ont perturbé les visites à plusieurs reprises, mais ces événements sont terminés. En cette année 2015, plusieurs chantiers de restauration sont mis sur pied, avec des groupes d’ouvriers spécialisés chacun dans un domaine : la pierre, le plâtre, les fresques, les mosaïques, etc. Ils ont été sélectionnés sur concours et travaillent sur des périodes de six mois. De plus, la zone a été renforcée pour assurer la sécurité.

        Le renouveau est également illustré par l’ouverture d’une exposition qui propose une vingtaine des premiers moulages des victimes carbonisées par les nuées ardentes crachées par le Vésuve. Pompéi propose aussi des visites nocturnes, accompagnées de lectures, vidéos et conférences, pour élargir le champ de compréhension du site archéologique.

        Grâce aux progrès réalisés dans l’avancement des fouilles et au meilleur entretien du site, les touristes commencent à revenir à Pompéi. mais il y a un revers à la médaille. En mars 2016, un représentant des Nations Unies accuse les touristes de contribuer à l’usure des ruines. Par exemple, les marches de l’entrée du temple d’Apollon ont été endommagées par l’afflux de touristes. Le représentant de l’UNESCO pense que les visiteurs doivent être orientés vers d’autres sites archéologiques qui se trouvent à proximité, qui sont tout aussi intéressants, mais qui attirent moins de monde.

        Environ 3 millions de touristes foulent le sol de Pompéi chaque année tandis que d’autres grands sites archéologiques comme Herculanum, Stabies ou la Villa Pompea sont beaucoup moins populaires. Ainsi, Herculanum reçoit 300 000 visites par an et la Villa Poppea seulement 30 000.

        Une conférence se tient pour discuter d’un noeud ferroviaire installé à Pompéi et qui relierait les ruines de grandes villes italiennes et d’autres sites archéologiques. Un tel réseau permettrait de répartir le flux de touristes plus également entre les différents sites. Il a par ailleurs été suggéré de modifier le tracé des itinéraires de visites à l’intérieur de Pompéi. Cela permettrait de promouvoir d’autres parties du site, telles que les expositions, et de diriger les touristes vers des secteurs peu visités.

15.  Fresque à la Casa dei Vettii (VI-15-1)
© Claude Grandpey

Un site plus sûr et de belles découvertes

        Les fonds européens permettent d’assurer la sécurité de Pompéi et de lutter contre la délinquance. En 2016, une armée d’«espions» est recrutée pour patrouiller au milieu des ruines dans le cadre de l’opération « Gola Profonda » (gorge profonde). Le travail des dénonciateurs est de recenser les délits, y compris les faits et gestes de la mafia, la Camorra napolitaine, qui est fort intéressée par les 100 millions d’euros investis dans l’ancien site afin de le rénover et de lui épargner un délabrement total. En 2013, la police de Campanie a arrêté le chef d’une entreprise de restauration de Pompéi et a enquêté sur les activités de quatre hauts fonctionnaires qui sont soupçonnés d’avoir gonflé les prix lors des travaux de restauration du Teatro Grande. Les ingénieurs travaillant sur le site avaient déjà été mis à l’index de leur profession et des matériaux de qualité suspecte ont été utilisés dans la reconstruction du théâtre.

        En dépit de ces problèmes, certains signes montrent, en 2016, que Pompéi est en train de se redresser. Six maisons ont rouvert aux visiteurs après leur restauration, ce qui a contribué à convaincre les autorités de l’Union européenne de prolonger le délai d’utilisation des crédits.

        A côté de la restauration des maisons, il apparaît absolument indispensable d’installer un nouveau système d’évacuation des eaux. Lors des fortes précipitations, l’eau ne s’évacue pas et est absorbée par certaines parties du site. En 2010, cela a entraîné l’effondrement d’un grand bâtiment Via dell’Abbondanza, la rue principale de Pompéi.

        Au fil des mois, de nouveaux joyaux de l’époque romaine sont mis au jour par les archéologues. Au mois de juillet 2016, ils découvrent les restes de quatre personnes, dont une adolescente, dans les ruines d’un magasin. Il semble que le groupe cherchait à se mettre à l’abri dans l’arrière-boutique quand le volcan est entré en éruption. Les images des fouilles montrent une masse d’os au fond d’une tranchée. Les squelettes semblent avoir reçu la visite de pillards à la recherche d’objets de valeur, peu de temps après l’éruption. Ils ont toutefois oublié trois pièces d’or qui remontent aux années 74 et 78, ainsi qu’une fleur dans une feuille d’or qui faisait probablement partie d’un pendentif. Un four découvert dans la boutique laisse à penser que le bâtiment était un atelier de bronze. En outre, les archéologues ont découvert une tombe datant du IVème siècle av. J.-C., avec six pots peints en noir autour du squelette de l’occupant de la tombe.

        Les autorités du parc Archéologique de Pompéi font des efforts pour attirer de nouveaux visiteurs. En février 2017, à l’occasion de la Saint-Valentin, la maison des Chastes Amants, remarquablement conservée, est exceptionnellement ouverte au public. On peut explorer le site à partir d’une nouvelle passerelle surélevée, installée sous un toit en aluminium et en plexiglas.

        Cette riche demeure de boulanger, avec jardin, écuries, moulin et la somptueuse fresque d’un tendre baiser, se trouve sur la Via dell’Abbondanza, une artère très fréquentée de l’ancienne cité romaine. Les visiteurs peuvent également découvrir des squelettes de mules pétrifiées, surprises par l’éruption du Vésuve. Le baiser décore l’un des murs du triclinium, petite salle à manger où les Romains s’allongeaient pour manger et boire.

        La maison a été explorée pour la première fois en 1912; elle a alors dévoilé un balcon qui fut endommagé par les bombes alliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1982 que des fouilles sérieuses ont commencé. Elles se sont poursuivies jusqu’en 2004 et le site a ouvert brièvement en 2010, pour fermer de nouveau peu de temps après.

16.  Le site d’Herculanum © Arlette Lorenzi

17.  Teatro Grande © Wikipedia

18.  Casa dei Casti amanti (IX-12-6) © Parco Archeologico di Pompei.

Une eau polluée par le Vésuve ?

        Les fouilles permettent de suivre le cours de la vie quotidienne chez les Romains et des questions apparaissent. En 2017, les archéologues se sont demandés si le Vésuve polluait l’eau de Pompéi.

        Les anciens Romains étaient célèbres pour leur technique avancée d’alimentation en eau, comme on peut s’en rendre compte en visitant les vestiges de leurs bains ou leurs aqueducs, comme dans les thermes de Chassenon (Charente) en France. Toutefois, l’eau potable qui circulait dans les conduites de Pompéi a probablement été empoisonnée à un niveau qui a pu entraîner des problèmes tels que vomissements, diarrhées, voire des lésions hépatiques et rénales.

        C’est le résultat d’analyses effectuées dans un fragment de conduite d’eau de Pompéi, et publiées dans la revue Toxicology Letters. Selon un chimiste de l’université du Danemark qui a participé à la recherche : «Les concentrations étaient élevées et étaient définitivement problématiques pour les anciens Romains. Leur eau potable devait être dangereuse pour la santé». Il a analysé un fragment de conduite d’eau de Pompéi et le résultat a révélé un niveau élevé d’antimoine.

        Depuis de nombreuses années, les archéologues sont persuadés que les canalisations d’eau chez les Romains étaient douteuses pour la santé. Elles étaient faites de plomb, un métal lourd qui s’accumule dans le corps et finit par endommager le système nerveux et certains organes. Le plomb est également très dangereux pour les enfants. Il y a toujours eu cette idée reçue selon laquelle les Romains ont été empoisonnés par leur eau potable. Cependant, cette thèse est discutable. En effet, une conduite en plomb se calcifie assez rapidement, ce qui empêche le plomb de pénétrer dans l’eau potable. L’eau n’a pu être contaminée par le plomb que pendant de courtes périodes, par exemple lors de la pose des conduites ou pendant leur réparation.

        En revanche, contrairement au plomb, l’antimoine est extrêmement toxique. Il est particulièrement irritant pour les intestins. Les réactions observées sont des vomissements et des diarrhées qui peuvent entraîner une déshydratation. Dans les cas graves, le foie et les reins peuvent être affectés et, dans le pire des cas, les troubles peuvent provoquer un arrêt cardiaque.

        Comme indiqué précédemment, les concentrations d’antimoine de 40 milligrammes ont été décelées dans le fragment de conduite prélevé à Pompéi. Il ne fait aucun doute que l’eau potable à Pompéi contenait des concentrations alarmantes d’antimoine, encore plus élevées que dans d’autres parties de l’Empire romain car Pompéi se trouve à proximité du Vésuve, et on sait qu’il y a des concentrations d’antimoine plus élevées dans les eaux souterraines près des volcans.

19.  Fontana della casa di octavius Quartio (II-2-2) © Wikipedia

Des techniques archéologiques de pointe

        Au fil des ans, les archéologues utilisent des techniques de plus en plus perfectionnées pour essayer de percer les secrets de Pompéi. En mars 2018, ils s’attaquent à un nouveau secteur du site, jusqu’alors inexploré. La nouvelle zone de fouilles – Regio V – d’une superficie d’un demi hectare, se trouve dans la partie nord de Pompéi qui a été, elle aussi, recouverte de cendre. Elle comporte une avenue bordée de maisons, de boutiques et de tavernes.

        Les travaux demandent une consolidation du front de fouilles et les archéologues ont reçu l’autorisation de déblayer les restes des coulées pyroclastiques de l’éruption de l’an 79 pour mettre à jour les structures effondrées. Grâce aux fonds octroyés dans le cadre du Grand Projet Pompéi, les fouilles sont effectuées selon la technique stratigraphique et pour la première fois les archéologues effectuent les relevés topographiques à l’aide de drones et des scanners laser qui permettront de reconstituer les volumes en 3 D. Il est prévu que les travaux durent deux ans pour un coût total de 8,5 millions d’euros.

        Tout près, la rue qui longe la maison des Noces d’Argent se dévoile peu à peu, avec ses trottoirs surélevés et les entrées des bâtiments qui la bordent. On observe en particulier l’entrée d’une domus avec les murs ornés de fresques sur fond rouge, avec l’image de deux dauphins.

        Dans le même temps, le directeur du Grand Projet Pompéi confirme son intention de faire arriver une LGV (ligne ferroviaire grande vitesse) directement sur le site. Il déclare : «Le projet n’a pas été abandonné, mais il doit être étudié en profondeur, avec l’élimination de la ligne de chemin de fer côtière actuelle. »

20.  Rue avec trottoirs et passage piétons surélevé © Dominique Decobecq

Une découverte macabre

        En juin 2018, les archéologues font une découverte importante qui témoigne de l’horreur de la nuit de l’éruption en l’an 79, quand le Vésuve a envoyé des coulées pyroclastiques sur ses flancs. Les chercheurs ont dévoilé des photos montrant le squelette d’un homme dont le crâne a été écrasé par un bloc de pierre. On pense qu’il a reçu de plein fouet ce bloc d’environ 300 kilos alors qu’il tentait d’échapper à la destruction de Pompéi. Selon les chercheurs, il semblerait que l’individu a survécu à la première phase éruptive du volcan et qu’il a ensuite cherché refuge le long d’une allée aujourd’hui couverte d’une épaisse couche de lapilli. L’homme, âgé de 35 ans et mesurant 1,60 m d’après les premières estimations, aurait été rattrapé par les nuages de gaz et de cendre en raison d’un problème au tibia, avant de recevoir un morceau de mur sur la tête. Au moment des fouilles, le corps a été retrouvé couché sur le dos avec le bloc reposant sur la partie supérieure.

        Quelques semaines plus tôt, les archéologues avaient mis au jour la dépouille complète d’un cheval dans une villa ensevelie par l’éruption du Vésuve. La découverte a eu lieu à Civita Giuliana, au nord de Pompéi. Les chercheurs ont suivi des tunnels creusés illégalement, destinés à des pillages. En versant du plâtre liquide dans la cavité dans laquelle se trouvait le corps en décomposition, ils ont pu obtenir la reconstitution quasi parfaite de l’animal quand la mort l’a saisi. Le cheval devait mesurer environ 1,50 m de hauteur au garrot, ce qui est relativement important pour un équidé de l’époque. Au vu des morceaux de harnais en fer et en bronze qui étaient apposés sur sa tête, le cheval appartenait probablement à un riche propriétaire.

        Outre l’animal, les scientifiques ont trouvé des restes de cruches, des outils et des ustensiles de cuisine, ainsi que la tombe d’un homme, enterré après l’éruption. Cela prouve que la vie a continué tout près de Pompéi juste après l’éruption.

21.  Un fast food à Pompéi (Regio V) © Parco Archelogico di Pompei

La nouvelle date de l’éruption

        Les fouilles des dernières années ont permis d’apporter une modification majeure quant à la date de l’éruption du Vésuve en l’an 79 de notre ère. Jusqu’à présent, tous les scientifiques étaient d’accord pour affirmer que l’éruption du Vésuve qui avait entraîné la destruction de Pompéi, Herculanum, Stabies et Oplontis avait eu lieu le 24 août 79. Ils s’appuyaient sur une copie d’un texte où Pline le Jeune raconte la catastrophe à l’historien Tacite et évoque le neuvième jour avant les calendes de septembre, soit le 24 août. Les archéologues ont, de leur côté, émis de plus en plus de doutes au sujet de cette datation car les indices recueillis sur le terrain plaidaient pour une éruption volcanique survenue en plein automne.

        Un graffiti – deux petites lignes inscrites au charbon sur un mur à hauteur d’homme – a été découvert en 2018 dans la maison au Jardin, un des édifices à l’époque en cours de fouille à Pompéi. L’inscription prouve que la ville n’a pas été détruite par le Vésuve le 24 août 79, mais deux mois plus tard, en octobre 79 (voir LAVE 194).

        Toujours en 2018, les fouilles de Pompéi ont mis au jour les squelettes intacts de personnes qui pensaient être à l’abri de l’éruption du Vésuve. Les ossements sont probablement ceux de deux femmes et trois enfants. Ils ont été découverts dans la maison qui avait déjà révélé l’inscription au charbon de bois prouvant que l’éruption avait eu lieu au mois d’octobre, deux mois plus tard qu’on le pensait initialement. Les archéologues pensent que les cinq personnes s’étaient mises à l’abri dans une petite pièce, mais ont péri suite à l’effondrement du toit ou parce qu’elles ont été brûlées.

22.  Décoration du thermopolium © Parco Archelogico di Pompei

De superbes fresques

        La découverte la plus récente effectuée par les archéologues dans les ruines de Pompéi est un thermopolium, établissement de restauration rapide, l’ancêtre de nos «fast food». Il a été exhumé au printemps de l’année 2019 et complètement sorti, en 2020, des matériaux au sein desquels il était enfoui. Les fresques colorées du comptoir ont survécu pendant près de 2 000 ans sous les couches de cendre et de pierre ponce. Le Parc archéologique de Pompéi a publié plusieurs images de ce thermopolium. Les chercheurs pensent que de la nourriture chaude était peut-être servie dans ce lieu.

        Le comptoir est orné de deux peintures très belles et bien conservées. L’une représente une néréide assise sur un cheval, tandis que l’autre représente un ouvrier dans l’environnement d’un thermopolium. D’autres fresques aux couleurs vives représentent des animaux qui faisaient partie de la nourriture vendue, comme un poulet et deux canards suspendus par les pattes. Il y avait aussi un bol en bronze décoré, connu sous le nom de patera, des pots en céramique utilisés pour la cuisson des ragoûts et des soupes, et des flacons de vin.

        Depuis la découverte du thermopolium en mars 2019, les archéologues ont mis au jour des objets très intéressants. En particulier, ils ont trouvé des traces d’aliments vieux de près de 2 000 ans dans certaines amphores que le commerçant avait placées sous le comptoir percé d’orifices circulaires. Des traces de porc, de poisson, d’escargots et de boeuf ont été retrouvées dans les récipients. Ils témoignent de la grande variété d’ingrédients utilisés pour préparer les plats.

        Les archéologues ont également révélé une inscription : « NICIA CINAEDE CACATOR». Il se peut qu’elle ait un caractère homophobe, un des sens du mot “cacator” désignant un adolescent partenaire sexuel d’un homme, mais cela reste à prouver.

        Le site se trouve à l’intersection de Vicolo delle Nozze d’Argento et de Vicolo dei Balconi. Quelque quatre-vingts thermopolia ont déjà été découverts à Pompéi.

        Les années 2019 et 2020 ont été riches en découvertes. En octobre 2020, les archéologues ont révélé une fresque représentant deux gladiateurs au terme d’un combat : l’un est victorieux et l’autre tombe, ensanglanté. Il s’agit d’un mirmillon et d’un Thrace, deux gladiateurs aux armures différentes, qui s’opposaient dans les arènes de la Rome antique.

        La fresque, en forme de trapèze, mesure environ 1,12 sur 1,5 m. Elle a été découverte dans un antique sous-sol situé à l’angle de la rue des Noces d’argent (Vicolo delle Nozze d’Argento) et de la rue des balcons (Vicolo dei Balconi), deux des rues pavées de l’antique cité.

        Au-dessus de la fresque on peut voir l’empreinte de l’escalier de ce local qui devait être une taverne avec, à l’étage supérieur, un logement occupé par les propriétaires, ou plus probablement, par des prostituées.

23.  Combat de deux gladiateurs (Regio V) © Parco Archelogico di Pompei

24.  L’érotisme à Pompéi © Claude Grandpey

Ouverture de nouvelles maisons

        Grâce à l’avancée rapide des fouilles, de nouvelles maisons s’ouvrent au public en 2020, comme la Domus degli Amanti (la maison des Chastes Amants), un bordel à l’époque romaine. La maison a été baptisée ainsi car on peut y lire cette inscription : «Les amants comme les abeilles vivent une vie douce comme le miel. J’espère que c’est vrai.» C’est la seule maison à double péristyle à avoir été préservée à Pompéi. Elle a été fermée pour réparation en novembre 1980, après avoir subi de graves dommages lors du séisme Irpinia, de magnitude m 6.5, qui a frappé la région de Naples et tué quelque 2 735 personnes.

        La Domus del Frutteto (la maison du Verger) et la Domus della Nave europa (la maison du bateau Europe), ont également été rouvertes. Dans la maison du bateau Europe, les fresques ont été restaurées et il y a maintenant un nouveau système d’éclairage qui respecte les peintures. Un système de passerelle pour entrer dans les endroits les plus délicats a également été créé.

        On notera que les fresques à caractère érotique ne sont pas rares à Pompéi.

        Au moment où étaient écrites ces lignes, les archéologues venaient de découvrir les restes carbonisés, mais exceptionnellement bien conservés, de deux hommes qui ont péri lors de l’éruption du Vésuve.

        L’un était probablement un homme de la haute société, âgé entre 30 et 40 ans. Il portait encore les restes d’un manteau de laine sous le cou.

        Le second, probablement âgé de 18 à 23 ans, était vêtu d’une tunique et avait un certain nombre de vertèbres écrasées, signe qu’il était un esclave qui transportait de lourds fardeaux. Leurs cadavres ont été découverts à Civita Giuliana, à 700 m au nord-ouest du centre de Pompéi. Ils se trouvaient dans un couloir de 2,20 m de large qui donnait accès à l’étage supérieur d’une grande villa, là où les archéologues avaient détecté des cavités dans les couches de cendre durcie.

        Les dents et les os de ces hommes ont été préservés et les vides laissés par les tissus mous ont été remplis de plâtre que les archéologues ont laissé durcir pour effectuer des moulages des corps, selon la célèbre technique inventée par Giuseppe Fiorelli en 1867.

        Selon le directeur du site archéologique, les deux malheureux cherchaient probablement refuge lorsqu’ils ont été atteints par la coulée pyroclastique vers 9 heures du matin. Leurs pieds et leurs mains crispés montrent que c’est le choc thermique qui a provoqué leur mort. Cette nouvelle découverte confirme que Pompéi est un merveilleux lieu de recherche et d’étude.

        Récemment, une autre image féminine a fait surface dans les nouvelles fouilles Regio V. C’est celle du mythe de Léda et du Cygne qui a été découverte dans un cubiculum (chambre) d’une maison le long de la Via del Vesuvio. La scène met en scène l’union de Jupiter, transformé en cygne, et de Léda, épouse du roi Tyndare.

        Les fouilles effectuées dans le cadre du Grand Projet Pompéi ont redonné une nouvelle aura à la cité romaine qui était bien mal en point dans les années 2000. Grâce aux travaux des archéologues, Pompéi attire les regards et des expositions sont présentées dans les musées à travers le monde.

25.  Léda émerge de son linceul de ponces et de cendres du Vésuve (Regio V)
© Parco Archelogico di Pompei