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Article publié dans la revue LAVE N°193 - mars 2019
Caractérisation du système d’alimentation du Piton de la Fournaise par méthode géodésique
Aline PELTIER (directrice de l’OVPF)
La mise en place de corps magmatiques en profondeur, mais également leur réalimentation ou leur vidange via le transfert de magma vers la surface, génèrent des contraintes qui sont accommodées par de la déformation détectable en surface. L’intégration de ces données à de la modélisation numérique permet d’appréhender les différents paramètres mis en jeu dans les processus de déformation (localisation, surpression et volume des sources de pression, vitesse de propagation du magma, état de contrainte du milieu...).
Figure 1. coupe est - ouest du Piton de la Fournaise avec la localisation de la sismicité (1998 - 2007) et des niveaux de stockage déduits de l’inversion des données de déformation et sismiques. D’après Peltier et al. (2009). En encart : modèle 1D de vitesse sismique de Prôno et al. (2009).
L’intégration des données GPS et inclinométriques dans des modèles numériques nous a permis de caractériser les sources impliquées dans les déformations à 1) long et 2) court terme et d’établir un schéma du système d’alimentation superficiel actuel. En effet, les déformations de l’édifice se produisent sur deux échelles de temps :
1– à long terme, précédant de plusieurs semaines-mois les éruptions. Ces déformations (0,4 à 0,7mm de déplacement par jour), liées à la pressurisation continue d’une source en profondeur, sont à l’origine d’une inflation pré-éruptive du cône terminal. Ces périodes inter-éruptives sont caractérisées par une activité sismique croissante pouvant atteindre jusqu’à une centaine de séismes volcanotectoniques par jour. Les déformations pré-éruptives à long-terme sont ainsi imputables à une source en surpression localisée entre 0 et 500 m au-dessus du niveau de la mer (figures 1 et 2), correspondant à un réservoir de magma superficiel se faisant réalimenter par du magma plus profond. Son volume serait compris entre 0,1 et 0,35 km3. La localisation du réservoir superficiel est en accord avec les données sismiques, qui montrent une zone à faible vitesse sismique aux alentours du niveau de la mer (Prôno et al., 2009) ainsi qu’un enracinement des essaims sismiques pré-éruptifs à ce niveau (Battaglia et al., 2005 ; Massin et al., 2011 ; Lengliné et al., 2016).
2– à court terme, précédant de plusieurs minutes-heures l’éruption et accompagnant la crise sismique pré-éruptive. Ces déformations rapides peuvent atteindre plusieurs dizaines de cm en quelques minutes et sont directement liées à l’injection du dike(*) vers la surface. Le suivi des déformations enregistrées en continu montre que les dikes alimentant les fissures éruptives s’enracinent directement dans le réservoir superficiel et se propagent d’abord verticalement sous la zone sommitale (~ 2 m.s-1) puis latéralement sur l’un des flancs pour les éruptions latérales (0,2 - 0,8 m.s-1). Le suivi et la modélisation des déformations associées aux injections de dikes vers la surface, ont permis de mettre en évidence deux trajets préférentiels pour les dikes (extrémités ouest et est du cratère Dolomieu, figure 1). Ces deux trajets préférentiels d’injection de magma correspondent aux bordures du cratère Dolomieu qui sont extrêmement fracturés, du fait notamment des nombreux épisodes d’effondrements ayant affecté le cratère depuis plusieurs siècles.
(*) Un dike est une fracture en ouverture à l’intérieur de laquelle le magma s’injecte pour atteindre la surface. Les dikes au Piton de la Fournaise d’une épaisseur souvent inférieur au mètre peuvent se propager sur plusieurs kilomètres avant d’atteindre la surface.
Figure 2. exemples de déplacements horizontaux (campagnes de réitération GPS) associés
à l’injection des dikes alimentant les (a) éruptions proximales d’Août et Septembre 2003 et
(b) distales de février et décembre 2005. D’après Peltier et al. (2009).
Orientations bibliographiques
– Battaglia J., Ferrazzini V., Staudacher T., Aki K., Cheminée J.-L., 2005. Pre-eruptive migration of earthquakes at the Piton de La Fournaise volcano (Réunion Island). Geophys. J. Int., 161, 549-558.
– Lengliné O., Duputel Z., and Ferrazzini V. et al., (2016). uncovering the hidden signature of a magmatic recharge at Piton de la Fournaise volcano using small earthquakes. Geophys. Res. Lett., 43, 4255-4262. doi: 10.1002/2016GL068383.
– Massin F., Ferrazzini V., Bachèlery P., Nercessian A., Duputel Z., Staudacher T., 2011. Structures and evolution of the plumbing system of Piton de la Fournaise volcano inferred from clustering of 2007 eruptive cycle seismicity. J. Volcanol. Geotherm. Res., 202, 96-106.
– Peltier A., Bachèlery P., Staudacher T., 2009. Magma transfer and storage at Piton de La Fournaise (La Réunion Island) between 1972 and 2007 : a review of geophysical and geochemical data. J. Volcanol. Geotherm. Res., 184 (1-2), 93-108.
– Prôno E., Battaglia J., Monteiller V., Got J.-L., Ferrazzini V., 2009. P-wave velocity structure of Piton de la Fournaise volcano deduced from seismic data recorded between 1996 and 1999. J. Volcanol. Geotherm. Res., 184 (1-2), 49-62.
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