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Article publié dans la revue LAVE N°213

Effleurer l’Éthiopie

Oswald DECLOMESNIL

[ Quand un ami globe-trotteur et volcanophile vous propose une place dans un voyage en Éthiopie avec la première semaine un passage obligé par le Dallol et l’Erta Ale, que faire, sinon s'organiser pour répondre présent ? C’est donc ainsi qu’avec Geoffroy et Lauriane, dans un circuit organisé par Enku Mulugeta et Tadesse Eskadar (anglophones), nous avons pu découvrir ces lieux mythiques dont les images nous faisaient rêver depuis longtemps. Mais moyennant une pincée d’improvisation sur place, nous avons aussi pu visiter la zone thermale d’Alalobbada, méconnue à tort. ]

16.  Carte de l’Éthiopie avec localisation des sites visités.
Source : Guide Éthiopie 2020-2021, petit Futé.

Mercredi 8 novembre 2023

        En arrivant à Addis-Abeba (cf. carte, figure 16), après quelques heures d’attente pour une correspondance nous prenons un vol intérieur à destination de Semera, où nous avons rendez-vous avec notre équipe le lendemain.

        Semera est à 400 km au nord-est d’Addis-Abeba, et presque 300 km au sud du Dallol. Il peut sembler curieux de passer par là au lieu de Mékélé, bien plus proche. Mais, comme on l’apprendra rapidement, les tensions entre la région du Tigré et la région Afar rendent cette voie délicate pour le moment. Ce à quoi s’ajoutent des considérations économiques : passer par Semera permet que tout le voyage se passe en région Afar et profite à cette région particulièrement pauvre.

        Semera, en soi, a peu d’intérêt. La journée étant bien avancée, on ne s’éloignera donc pas de l’hôtel avant la nuit.

        

1.  Juste un peu d’obsidienne
Image © Oswald Declomesnil

2.  Afdera.
Image © Oswald Declomesnil

Jeudi 9 novembre 2023

        Après avoir été rejoints par notre équipe à l’hôtel, nous prenons la direction du Dallol. La route durera la journée, avec quantité de structures volcaniques à voir tout du long. Lors d’un arrêt je tombe sur un lit de rivière à sec, dont les galets ne sont qu’en obsidienne.

        Les abords de la route sont relativement peuplés, souvent par des habitations nomades. À intervalles réguliers un câble en travers de la route fait office de checkpoint, ce qui nous rappelle que certaines tensions subsistent.

        Le midi, pause repas à Afdera, près du lac salé Afrera où les marais salants sont nombreux. On en reparlera le 12 novembre.

        En fin de journée, arrivée à Ahmed Ela, à une vingtaine de kilomètres au sud du Dallol. Sans surprise, les conditions sont un peu spartiates, et les températures à 30 - 35 °C en pleine nuit venteuse nous confirment que la journée du lendemain sera chaude.

        

3.  Etang salé.
Image © Oswald Declomesnil

4.  Surface de l’étang.
Image © Oswald Declomesnil

5.  Filaments de sel, surface du désert.
Image © Oswald Declomesnil

6.  Mine de sel.
Image © Oswald Declomesnil

Vendredi 10 novembre 2023

        La piste vers le Dallol traverse de grandes étendues salées. Mais il a plu deux semaines plus tôt, donc l’approche se fait par endroits en traversant de vastes espaces où le sel est couvert de quelques centimètres d’eau qui reflètent les bords de la dépression.

        Et là, le Dallol, enfin. Il n’y a pas foule, c’est heureux, et beaucoup de cristallisations sont très fraîches et colorées, les photos en fin d’article parleront d’elles-mêmes. Comme prévu les températures sont rudes.

        En repartant nous passons par un étang salé avec nombre de petits dégazages, et par une exploitation de sel où, la nuit, les hommes viennent tailler des dalles de sel (figures 3 à 6).

        Théoriquement il y a possibilité d’aller du Dallol à l’Erta Ale en restant dans la dépression. Mais renseignement pris les pluies récentes rendent cette option risquée, la perspective de s’embourber en plein désert ne motive étrangement personne ! Nous reprenons donc la longue route de l’aller, ce qui nous fait arriver au camp de l’Erta Ale en début de soirée.

        Il y a eu des aménagements ces dernières années. Une route en grande partie bétonnée permet une première approche, ensuite une piste assez facilement praticable par un 4×4 permet d’arriver à notre camp, à environ 470 m d’altitude. Ce qui ne laisse plus que 150 m de dénivelé pour arriver au bord de la caldeira. Le camp reste, comme avant les aménagements des accès, fait d’abris en blocs de lave. Mais au final, dormir dehors s’avère plus confortable car les blocs restituent la chaleur de la journée.

        

7.  rouge, oui, mais...
Image © Oswald Declomesnil

8.  Surface des laves fraîches.
Image © Oswald Declomesnil

        

        À peine arrivés, première ascension. Sur la crête, le constat est tristement simple : les flots de lave des semaines précédentes sont en pause ! On distingue dans la nuit des hornitos qui visiblement ne rougeoient que par l’échauffement dû aux gaz (figures 7 et 8).

        Nous descendons pour tenter une approche, ce qui nous fait passer sur des coulées récentes. Par endroits on sent la chaleur, la surface de la roche crisse beaucoup et globalement ça sonne souvent creux. Donc l’avancée se fait doucement... jusqu’à ce que Geoffroy trébuche et passe à travers une bulle, se blessant aux genoux et aux mains.

        Pendant qu’il se fait panser, je peux voir en coupe qu’on avance sur une couche durcie sur quelques centimètres d’épaisseur sous laquelle la lave encore très fluide s’est retirée laissant des poches vides jusqu’à 30 cm de hauteur. Pratiquement chaque lobe, en fait, serait plus ou moins creux. Le crissement qu’on entendait vient d’une multitude de lamelles et aiguilles siliceuses, très tranchantes, qui se forment en surface quand la lave s’étire et se déchire. Cette première excursion s’arrête là, retour au camp pour la nuit.

        

9.  Cratère nord, presque comblé.
Image © Oswald Declomesnil

10.  Cratère sud submergé.
Image © Oswald Declomesnil

11.  Cheveux de pelé.
Image © Oswald Declomesnil

12.  hornito.
Image © Oswald Declomesnil

13.  Laves récentes.
Image © Oswald Declomesnil

14.  Fumerolles dans la caldeira.
Image © Oswald Declomesnil

Samedi 11 novembre 2023

        La première ascension se déroule tôt, afin d’arriver pour le lever du soleil. La pause d’activité se confirme, mais la vue sur la caldeira est claire et impressionnante. On fait aisément la différence entre les laves récentes bien sombres et celles, plus anciennes, qui se sont éclaircies.

        Les deux cratères sont quasiment effacés par les épaisseurs de laves fraîches et plusieurs hornitos surplombent le tout. Comme la veille l’activité n’est que dégazage (figure 9).

        Dans un autre groupe présent là, des Français me racontent avoir tenté la même approche nocturne que nous, et en être repartis aussi avec nombre d’éraflures pour certains ; notre demi-tour de la nuit était donc la bonne option. Après un temps d’observation et une petite balade sur la crête vers le sud, redescente au camp (figure 10).

        En milieu d’après-midi, nouvelle ascension, afin d’accéder au fond en passant par le deuxième accès. Il est possible de circuler sur les laves plus anciennes qui sont à peu près stabilisées. À nouveau les aiguilles et lamelles tranchantes sont nombreuses, mais on peut aussi voir nombre de cheveux de Pélé, quelques-uns dépassent les 20 cm même si la majorité reste bien plus courte. Sous le vent les masques à gaz sont bien utiles, la visibilité est cependant bonne (figures 11 à 14).

        Nous cheminons vers le premier accès de la veille. De là en passant par la crête direction nord, nous nous dirigeons vers un troisième point permettant d’accéder au fond; un hornito sur la crête permet de se repérer facilement. De ce point, observation de l’ensemble depuis l’est, avec l’activité qui ne reste que dégazage, jusqu’à la nuit.

Dimanche 12 novembre 2023

        Il est prévu de repartir vers Afdera et son lac pour y passer la journée, en étape avant Semera le lendemain. Le bord du lac salé avec sa source d’eau douce chaude et les salines alentour s’avère intéressant, mais nous arrivons vite à la conclusion qu’il n’y a pas matière à y passer la journée et la nuit.

        Moyennant quelques discussions avec l’équipe, ils nous font une proposition : une zone thermale proche de Semera, qu’on aurait le temps de voir avant notre vol. Le temps de tout organiser, nous reprenons donc la route en fin de journée pour une nuit d’hôtel à Semera.

        

15.  Afrera, zone de la source chaude.
Image © Oswald Declomesnil

Lundi 13 novembre 2023

        Départ pour la zone thermale d’Alalobadda ; elle n’est qu’à une quinzaine de kilomètres de Semera, mais entre la route fermée pour travaux et la piste, il ne nous faut pas loin d’une heure et demie pour y arriver. Sur le trajet, quelques antilopes et singes se laissent apercevoir.

        Arrivés sur place, le site s’avère intéressant (cf. photos des colonnes de droite, pages suivantes). C’est totalement différent de Dallol, bien plus vivable sauf quand le vent nous met sur le chemin des vapeurs bouillantes. Sur plusieurs centaines de mètres, c’est une succession de bassins, jusqu’à quelques dizaines de mètres pour certains. Ils sont très variés, des vasques d’eau très claire et très bleue côtoient des bassins plus boueux, dans l’ensemble c’est chaud à très chaud. C’est a priori de l’eau douce vu les lieux et la végétation qui pousse dans les ruissellements. Les couleurs laissent fortement à penser que certaines zones sont des nids d’archéobactéries. Il y a un petit volcan de boue, et il y aurait par moments un geyser notable mais absent lors de notre visite.

        Les ruissellements engendrent la présence d’une végétation bien développée, ce qui ramène de la vie ; la grande zone plus marécageuse et tempérée permet d’observer facilement des oiseaux et les bêtes du village voisin qui viennent paître et boire ici.

        Après deux heures de visite, il est temps de partir pour l’aéroport, qui nous ramène à Addis-Abeba pour la suite du voyage, tout aussi intéressante même si elle est moins volcanique. Mais c’est une autre histoire !

        

Dallol (à gauche) et Alalobbada (à droite)
Comparaison n’est pas raison,
mais voilà de quoi illustrer la complémentarité des deux sites en cas de visite.

17.  Dallol - vasques cristallines.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

23.  Alalobbada - vasques cristallines et fumerolles.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

18.  Dallol - Bassins chauds.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

24.  Alalobbada - Bassin chaud et bassin trouble.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

19.  Dallol - Sels en tous genres, de près.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

25.  Alalobbada - Cristaux asséchés et oxydés.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

20.  Dallol - Bassin chaud et dépôts colorés d’archéobactéries.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

26.  Alalobbada - Concrétions, probablement constituées de dépôts minéraux et archéobactéries.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

21.  Dallol - Dépôts de sels en coquille d’oeuf.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

27.  Alalobbada - un oiseau égaré (cormoran?).
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

22.  Dallol - volcan de boue.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

28.  Alalobbada - une oie.
Photographie © Oswald DECLOMESNIL

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