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Article publié dans la revue LAVE N°213

La Patagonie

Alexandre PAUL, Jacques-Marie BARDINTZEFF (université Paris-Saclay)
& Sylvain CHERMETTE (80 Jours voyages)

[ Dans la partie sud de l’Argentine et du Chili, la Patagonie est une région bien connue par tous les randonneurs. Mais ce que nous connaissons moins, c’est toute la richesse géologique qui s’est façonnée au travers de ses hautes montagnes depuis des millions d’années lors de combats qui sont toujours en cours entre les plaques sud-américaine et de Scotia (à l’est), et les plaques de Nazca et antarctique (à l’ouest). Cela a donné naissance à la cordillère des Andes. Du 1er au 11 décembre 2023, Sylvain et Jacques-Marie nous ont fait découvrir cette partie du globe depuis la ville de El Calafate en Argentine. ]

        

Figure 1.  Plaques tectoniques de l’Amérique du Sud. Source © Wikipédia

        

Tour d’horizon de la région

        La Patagonie, à cheval sur l’Argentine et le Chili, est l’une des régions de l’Argentine située au sud du pays. Sa principale richesse est l’élevage de moutons et de vaches. Peuplée de deux millions d’habitants pour une superficie de 1 million de km2 (presque deux fois la France), c’est l’une des régions les moins densément peuplées du pays avec une moyenne de deux habitants au km2.

        

1.  Lac Argentino depuis le Cerro Frias. Image © Sylvain Chermette

Lac Argentino

        El Calafate (199 m d’altitude) est l’une des portes d’entrées de la Patagonie située au bord du lac Argentino d’où nous pourrons aller observer les divers glaciers et montagnes épiques qui la composent. Ce lac mesure 100 km de long pour 20 km de large. D’une profondeur maximale de 700 m, il présente la caractéristique d’avoir son fond sous le niveau de la mer. Sa couleur bleue laiteuse résulte des particules de sédiments glaciaires en suspension rejetées par les différents glaciers.

        Nous débutons notre parcours par une balade jusqu’au Cerro Frias (1 030 m d’altitude) en 4×4. Malgré un fort vent glacial, nous avons une vision à 360° du lac Argentino jusqu’au Chili sans oublier les steppes. Ces steppes font le bonheur des grands éleveurs qui laissent paître leurs vaches sur ces vastes enclos de plusieurs dizaines d’hectares composant une hacienda.

        

2.  Le guanaco. Image © Sylvain Chermette

        Nous croisons en route des guanacos (une des espèces de camélidés proche du lama) et une famille de nandous (de la famille des Rheidae, proche de l’autruche mais plus petite que celle que nous connaissons).

        Au niveau géologique et de par sa forme en Y, cette plaine alluviale est entourée de roches sédimentaires dont les strates horizontales ont été datées entre 250 et 300 millions d’années : des fossiles marins et de dinosaures y ont été retrouvés.

        

4.  Iceberg voguant sur le lac Argentino.
Image © Sylvain Chermette

5.  No man’s land à Puesto Las vacas.
Image © Sylvain Chermette

L’arrière-arc de subduction andin

        Les montagnes de cette région de Patagonie ne sont pas à proprement parler sur la zone de subduction andine où se trouvent les plus grands volcans actifs mais en arrière, plus vers l’est. Ces montagnes dépassent rarement les 3000 m d’altitude, altitude sans commune mesure avec celles côté chilien dont certains sommets atteignent les 5000 m, voire les 7000 m. La zone de Torres del Paine jusqu’à El Chaltén démontre parfaitement cela : le premier culminant à 3050 m, le second à 3404 m. Une autre différence de cette région concerne les séismes, ils sont moins nombreux et de plus faible intensité côté argentin, contrairement à ceux du côté chilien.

        La présence de nombreux glaciers de grande surface (plus de 100 km2 pour certains), qui finissent leurs vies en glissant dans les lacs et se fracturant pour laisser apparaitre des formes aléatoires et bleutées sous les reflets du soleil, offre de magnifiques paysages. Petit tour d’horizon de cette région.

        

3.  Le glacier Perito Moreno « à cheval » sur les deux lacs. Image © Alexandre Paul

Perito Moreno

        En deux jours, nous verrons le glacier Perito Moreno sur ses faces est, sud et nord depuis les miradors créés par le parc national et les bateaux circulant sur le lac Argentino et le Brazo Rico. Le nom de ce glacier a été donné en 1899 par le lieutenant de l’armée argentine Iglesias en l’honneur de Francisco Moreno. Cet « expert » (perito en espagnol) naturaliste du 19ème siècle a délimité la frontière actuelle entre l’Argentine et le Chili, en tenant compte de la ligne de partage des eaux entre les océans Pacifique et Atlantique.

        

6.  Le massif du Fitz roy. Image © Alexandre Paul

El Chaltén

        Route mythique de l’Argentine, la route 40 parcourt le pays du nord (La Quiaca) au sud (Cabo Virgenes) sur 5194 km. Depuis El Calafate, nous l’empruntons pour aller à la ville de El Chaltén.

        Le nom natif de cette ville et de la montagne a été donné par la communauté Tehuelche, les premiers habitants de ce territoire, et signifie montagne fumante. Son massif le plus célèbre est le Fitz Roy (3 405 m). Cet arc de pluton granitique issu du Miocène (23 à 5 millions d’années) s’est formé il y a environ 18 millions d’années dans les soubassements de la Terre pour ne se découvrir qu’au fil du temps par l’érosion.

        Gravie pour la première fois par une expédition française (Lionel Terray et Guido Magnone) le 2 février 1952, cette région est devenue un point d’ancrage fort de l’alpinisme.

        Depuis l’entrée du parc national, après une petite marche de 40 minutes jusqu’au mirador de los Cóndores, nous avons une vision d’ensemble de la région et de l’immensité de la montagne qui accueille tous les alpinistes souhaitant atteindre son sommet.

        

7.  Le mylodon à l’entrée de la ville de Puerto Natales. Image © Alexandre Paul

Route vers le Chili

        En descendant plus au sud de El Calafate, nous traversons la frontière chilienne pour nous ancrer dans la ville de Puerto Natales.

        Cette ville, située sur l’un des fjords composant le sud chilien qui donne sur l’océan Pacifique, sera notre point d’ancrage pour visiter les manifestations géologiques de la région.

        Symbole de cette ville, à l’époque préhistorique, le mylodon, mammifère terrestre herbivore de 2 m de long, ressemblant à un ours, parcourait cette région. Il a disparu il y a environ 14 000 ans mais des fossiles ont été retrouvés dans la grotte « Cueva del Milodón » située à 30 minutes de route de Puerto Natales, creusée dans un conglomérat (roche sédimentaire détritique à éléments ronds et soudés). Cette caverne était son refuge.

        

8.  Conglomérat de roche sédimentaire issu de la Cueva del Milodón.
Image © Alexandre Paul

        En remontant vers le nord, nous entrons dans le parc de Torres del Paine. Ce parc, qui couvre 2 422 km2, est aussi connu que son confrère du Chaltén en Argentine pour ses nombreuses ascensions dont les plus célèbres sont les trois tours (torres en espagnol) en granite qui lui ont donné son nom.

        

9.  L’une des cavernes du Mylodon faite de conglomérat de roche sédimentaire et creusée naturellement par les vagues d’un ancien lac et l’action du vent.
Image © Sylvain Chermette

10.  La rivière del torres et sa cascade homonyme avec au fond les torres del Paine.
Image © Sylvain Chermette

11.  L’intrusion granitique dans les torres del Paine.
Image © Alexandre Paul

        

        Ce massif de granite clair de forme ovoïde de type laccolite de 20 km de long, 10 km de large et 1 km d’épaisseur, s’est mis en place au Miocène il y a 12 à 13 millions d’années, au sein de sédiments plus anciens datés du Crétacé supérieur (100 – 66 millions d’années). Cette intrusion granitique est très visible aux Torres del Paine et plus particulièrement depuis le glacier Grey ou le lac Pehoé.

Retour sur Buenos Aires

        Juste avant de rentrer en France, nous ferons un détour dans la ville de Tigre située au nord de Buenos Aires pour parcourir en bateau les canaux du delta du fleuve Paraná.

        Petit clin d’oeil : de vastes épanchements basaltiques (des trapps) se sont déposés il y a 130 millions d’années dans l’état du Paraná au Brésil. Nous remontons donc en quelque sorte à l’époque où l’Amérique du Sud et l’Afrique ne formaient qu’un seul continent, le Gondwana. Cela rappelle le voyage réalisé en Namibie en avril 2022 (cf. LAVE n°206) où nous avions admiré les trapps équivalents et de même âge de l’Etendeka.

        Alors que la Patagonie ne dispose que de 60 jours de temps clément annuel, ce voyage se termine sous un soleil qui ne nous aura pas lâché un seul jour depuis notre arrivée !

        

PAYSAGES DE PATAGONIE

12.  Les aiguilles composant le massif du Fitz Roy (Argentine).
Image © Alexandre Paul

13.  Le massif del Paine depuis le mirador Lago Nodenskjöld (Chili).
Image © Alexandre Paul

14.  Randonnée en kayak au bord du glacier Grey (Chili).
Image © Sylvain Chermette

15.  Le massif del Paine et le lac Pehoe (Chili).
Image © Sylvain Chermette

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