Quelques actualités volcaniques... du 1er décembre 2023 au 29 février 2024
_______________ Ludovic Leduc _______________
Extrait de la revue LAVE N°215 parue en septembre 2024
Extrait de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024
Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Extrait de la revue LAVE N°212 parue en décembre 2023
Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...
Cette période débuta tristement avec une éruption dramatique à sumatra en Indonésie, sur le volcan Marapi. En effet, le 3 décembre 2023, 75 randonneurs se trouvaient au sommet de l’édifice au moment où, sans aucun signe précurseur, une explosion eut lieu et fit 23 victimes ainsi qu’un certain nombre de blessés. Cette explosion phréatique tragique a initié une activité explosive qui perdure aujourd’hui, avec la formation de panaches de cendres assez fréquents, jusqu’à 800 m de hauteur.
Autre volcan indonésien, mais sur l’île de Florès cette fois, le Lewotobi est entré en éruption le 23 décembre 2023. Dans un premier temps, des émissions de cendres assez importantes depuis le cône nord du volcan provoquèrent les premières évacuations, ainsi que la fermeture d’un aéroport local pendant plusieurs jours. Puis l’activité volcanique s’intensifia, particulièrement à partir du 9 janvier, ce qui poussa les autorités à évacuer environ 6 500 personnes ! Probables fontaines de lave, émissions de cendres, avalanches, courtes nuées ardentes et en plus de cette activité intense, une activité effusive débuta ce jour-là. La lave déborda du cratère sommital et forma une coulée visqueuse vers l’est-nord-est qui, à une vitesse moyenne de 10 m/h, atteignit environ 4 km en une quinzaine de jours. elle progressa encore d’environ 500 m début février, puis s’arrêta. De son côté, l’activité explosive demeura soutenue pendant quelques jours après le 9 janvier, puis diminua progressivement et s’arrêta au cours du mois de février.
L’activité volcanique la plus intéressante sur cette période, d’un point de vue géologique, est sans conteste celle qui a lieu en Islande, à Reykjanes. Et après trois éruptions sur le système volcanique du Fagradalsfjall, c’est désormais celui de svartsengi qui est actif. Cela débuta le 10 novembre 2023 par une formidable séquence volcanotectonique, décrite dans le numéro précédent (lave n° 212) et dont un chiffre dévoilé dernièrement illustre le caractère exceptionnel de cet événement. en effet, le débit magmatique qui alimenta cette énorme intrusion a été estimé à environ 7 400 m3/s, de quoi remplir une piscine olympique en une demi-seconde ! Cela ne correspond certes pas à un débit éruptif (en surface), et celui-ci fut d’ailleurs très bref, mais c’est assez impressionnant ! Toutefois, le magma ne parvint pas en surface et il fallut attendre le 18 décembre pour qu’une éruption se produise dans le secteur. Une très longue fissure éruptive d’environ 4 km de long s’ouvrit à l’est de la centrale géothermique de svartsengi et du Blue Lagoon attenant, pour un spectaculaire rideau de lave ! Mais l’activité ne dura que 48 heures et déclina progressivement, les coulées s’épanchant principalement vers l’est, dans un secteur désert... Le répit fut de courte de durée, car le réservoir magmatique source de cette première éruption se remplit immédiatement après celle-ci et il semble que sa capacité soit limitée et limitante : ainsi, quand environ 10 millions de mètres cubes y sont accumulés, une intrusion se produit et donc potentiellement une éruption. C’est ce qui se passa le 14 janvier, à 2 km au sud de l’éruption précédente et à environ 1 km au nord de la ville de Grindavik. Par chance, la fissure éruptive s’ouvrit tout juste en amont du mur de protection qui avait commencé à être construit pour dévier la lave vers l’ouest, ce qu’il fit parfaitement ! sans ça, la ville de Grindavik aurait été plus sérieusement touchée... Une seconde fissure plus courte s’ouvrit néanmoins quatre heures plus tard aux portes de la ville, mais l’activité y fut heureusement modeste et détruisit « seulement » trois maisons. L’éruption ne dura que 40 heures et, comme après la précédente éruption, le réservoir se remplit. Si bien qu’environ un mois après, une nouvelle éruption brève et intense eut lieu. Le 8 février, une fissure s’ouvrit un peu plus à l’ouest que celle du 18 décembre. De fait, la lave s’épancha plutôt vers l’ouest et vers la route qui traverse la péninsule de reykjanes, au niveau de l’embranchement vers le Blue Lagoon qu’elle atteignit rapidement. En effet, la vitesse du front de coulée principal était d’environ 500 m/h, ce qui illustre d’ailleurs un débit important : 100 m3/s minimum pour ces éruptions à svartsengi, ce qui est au moins dix fois supérieur aux débits moyens des éruptions sur le massif du Fagradalfsjall ! L’éruption s’arrêta elle aussi rapidement, mais elle eut le temps de détruire une conduite d’eau chaude alimentant au moins 30 000 personnes, en plein hiver... Heureusement, elle fut vite reconstruite, tout comme la route. Pendant ce temps, le réservoir magmatique se remplit de nouveau... on attend donc la prochaine éruption de ces « feux de reykjanes », qui sont décidément palpitants ! (cf. photos supplémentaires pages 50 à 52, au dos.)
Sur l’Etna, en sicile, un nouveau paroxysme du Cratère sud-est s’est produit le 1er décembre 2023, après une phase d’activité strombolienne d’une dizaine de jours. Comme d’habitude, de spectaculaires fontaines de lave animèrent ce cône volcanique pendant environ 3 heures, à l’origine d’une colonne de cendres d’un peu moins de 3 km de haut, et des coulées de lave se formèrent vers le sud et l’est.
À Ambrym, au vanuatu, une brève éruption principalement effusive eut lieu du 13 au 16 janvier 2024 dans le cratère Bembow.
Au Costa rica, le niveau du lac dans le cratère du Poas est en baisse depuis le mois d’octobre 2023, sans doute en lien avec une activité hydrothermale accrue. Des bouillonnements sont ainsi couramment observés dans le lac et de petites explosions, projetant parfois des sédiments, sont très fréquentes depuis le mois de décembre. La baisse du niveau du lac permit aussi de découvrir un des évents au sud du cratère, où une incandescence liée à la haute température des gaz émis put être remarquée de temps en temps en février, ce qui n’avait plus été observé depuis 2019.
Enfin, même si l’activité de l’Erta Ale en Éthiopie n’est pas toujours simple à suivre, d’importantes mais courtes phases d’effusion se produisent au moins deux fois par mois depuis quelque temps, au niveau des anciens cratères-puits qui sont désormais remplis. Le « cratère » sud semble le plus actif, avec une activité de spattering au niveau d’un cône éruptif et, parfois, des coulées de lave qui s’épanchent dans la caldeira au-delà des anciennes limites de l’ancien cratère.