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  VOLCANS
/ Synthèse de l’actualité volcanique

Quelques actualités volcaniques... du 1er juin 2024 au 31 août 2024

_______________ Ludovic Leduc _______________

Extrait de la revue LAVE N°215 parue en septembre 2024
Extrait de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024
Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Extrait de la revue LAVE N°212 parue en décembre 2023

Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...

Durant cette période, l'Etna, en Sicile, a été particulièrement actif ! Une éruption a commencé dans la Voragine, le cratère central du volcan, le 14 juin, d’abord avec une activité de spattering puis avec des explosions stromboliennes qui formèrent un petit cône. À partir du 29 juin, une activité effusive s’ajouta à un spectacle que les randonneurs étaient autorisés à observer depuis le bord de la Bocca Nuova, un des cratères sommitaux du volcan dans lequel ces coulées venaient cascader. Mais l’activité s’intensifia le 4 juillet pour un paroxysme spectaculaire, premier de six événements similaires dans l’été (7 juillet, 15-16 juillet, 23 juillet, 4 août et 14 août). De manière équivalente aux nombreux paroxysmes du Cratère Sud-Est voisin des dernières années, l’activité strombolienne s’intensifiait jusqu’à devenir continue et puissante, pour une phase de fontaines de lave de plusieurs centaines de mètres de haut pendant plusieurs heures ! Cette activité explosive forma des colonnes de cendres culminant entre 5 et 10 km d’altitude, repoussées par les vents sur un large quart sud-est, à l’origine de quelques chutes de cendres sur les villages dans ce secteur. Elles sont notamment retombées à Catane, occasionnant la fermeture temporaire de l’aéroport au moins deux fois, et jusqu’à Syracuse, à 80 km du sommet du volcan ! Au niveau de l’évent, la quantité de projections accumulées est telle que le point culminant de la Voragine s’est élevé d’au moins 80 m, mesuré à 3369 m d’altitude le 10 juillet, dépassant ainsi la cime du Cratère Sud-Est (3354 m) et devenant par conséquent le nouveau sommet de l’Etna. Des coulées se formèrent également lors de chacun de ces paroxysmes et remplirent rapidement la Bocca Nuova, de laquelle elles débordèrent sur son flanc ouest. Enfin, le Cratère Nord-Est s’est lui aussi réactivé durant cette période, avec quelques émissions de cendres. Quel volcan passionnant !

À 120 km de l’Etna, l’été a également été intense à Stromboli. L’activité était déjà importante lors du séjour que j’accompagnais à la fin du mois de mai, avec des explosions toutes les 5 à 8 minutes en moyenne, principalement au niveau du cratère Nord. Une activité de spattering pouvait aussi être fréquemment remarquée, occasionnant quelques coulées de lave éphémères dans la Sciara del Fuoco. Cette activité importante ainsi que l’augmentation de l’amplitude moyenne du trémor incita les autorités à élever le niveau d’alerte le 24 juin, permettant le renforcement de la surveillance volcanique. Puis, une importante activité effusive débuta le 3 juillet et avec elle, de nombreux écoulements pyroclastiques se formèrent dans la Sciara del Fuoco du fait de la pente extrême et de la relative fragilité des cônes construits par l’activité explosive ordinaire. L’alerte rouge fut ordonnée le 4 juillet, au moment où la fin de l’activité explosive pouvait être constatée au niveau des deux cratères et où diverses coulées se formaient dans la Sciara del Fuoco depuis différents évents qui s’ouvrirent successivement vers l’aval jusqu’au 6 juillet. Cette activité effusive se stabilisa ensuite et demeura stable pendant quelques jours, formant un delta de lave au niveau du littoral. Puis, une violente explosion paroxysmale se produisit le 11 juillet dans la zone du cratère nord, à 14h07. Un panache de cendres d’au moins 5 km de haut se forma au-dessus du volcan, ainsi que de volumineux écoulements pyroclastiques dans la Sciara del Fuoco, le plus important dévalant cette pente à une vitesse de 58 m/s (cf. photo de couverture) ! Élément intéressant, cet événement a été précédé d’environ 50 minutes d’une déformation particulière de la surface du volcan, ce qui permit d’alerter le personnel scientifique qui entretenaient certaines stations de surveillance à ce moment-là. Et puis pendant plusieurs jours, aucune explosion ne vint perturber un calme inhabituel à Stromboli, le temps de découvrir une zone sommitale recouverte de cendres, avec des gros blocs disséminés, un cratère nord réouvert d’approximativement 250 m de diamètre pour environ 150 m de profondeur et un canyon formé dans la Sciara del Fuoco par les écoulements pyroclastiques... L’activité ordinaire revint ensuite, toujours dominante au niveau du nouveau cratère nord et à un niveau assez important. Deux explosions majeures se produisirent d’ailleurs les 26 juillet et 25 août, et de nouvelles coulées de lave éphémères purent être observées, en lien avec une activité de spattering toujours intense...

Les deux volcans congolais au Nord-Kivu sont particulièrement actifs en ce moment. L’activité effusive plus ou moins permanente à l’intérieur de la caldeira du Nyamulagira s’est intensifiée en juillet, au point que la lave en déborda, formant deux coulées, vers l’ouest et le nord-ouest. Cette dernière est la plus active et avait parcouru plus de 8 km depuis l’évent-source à la mi-août, après un mois d’épanchement. Quant à son voisin, le Nyiragongo, après quelques courtes éruptions, une activité effusive stable semble en cours depuis le mois de mars. Ce constat est basé à la fois sur les signaux thermiques repérés par satellite et sur des observations bien plus fréquentes de lueurs rougeâtres au-dessus du volcan. Il manque néanmoins une observation directe, mais ce sont de forts indices en faveur du retour d’un lac de lave, ce qui était attendu après sa vidange lors de l’éruption latérale du 22 mai 2021 sur le flanc sud du volcan.

À Yellowstone, une explosion hydrothermale s’est produite le 23 juillet dans la zone thermale de Biscuit Basin, près d’un trou d’eau chaude nommé Black Diamond Pool. Quelques touristes se trouvaient sur la promenade au moment de cette explosion soudaine qui projeta de la boue et des roches à une trentaine de mètres de haut, mais aucun blessé ne fut heureusement à déplorer ! Bien qu’impressionnante, ce type d’activité n’est pas exceptionnelle pour ce volcan et correspond à des phénomènes de subsurface, sans aucun lien avec des mouvements de magma en profondeur... Les différentes données de surveillance en attestent : le réveil de ce volcan n’est pas pour demain !

Au Shiveluch, au Kamtchatka, une violente activité explosive forma un panache de cendres jusqu’à 9 km d’altitude le 18 août. Elle précéda une nouvelle courte extrusion début septembre dans la zone du dôme Karan, à 5 km à l’ouest de la zone habituellement active, quatre mois après une phase similaire fin avril-début mai.

Les images satellites et leur signaux thermiques indiquent que le volcan Home Reef, dans l’archipel des tonga, est en éruption régulièrement, mais rares sont les images de cette petite île qui évolue au gré de l’activité volcanique et de l’érosion marine. toutefois, des personnes à bord d’un bateau passèrent dans le secteur en août 2023 et découvrirent une île à la morphologie bien curieuse, constituée principalement d’une étendue de lave massive, sombre et aplatie, de forme arrondie d’environ 150 m de diamètre, avec des falaises abruptes d’une vingtaine de mètres de haut. Cette structure correspondait vraisemblablement au reste d’un dôme de lave formé lors d’une éruption en septembre 2022... Par la suite, au vu des images satellites, un autre dôme se forma vraisemblablement en septembre-octobre 2023 à cet endroit et un autre encore lors d’une éruption d’environ trois semaines en juin dernier, moment où une nouvelle structure arrondie d’environ 30 000 m2 et à forte température put être remarquée...

Au Kilauea, à Hawaï, la mise en pression du système magmatique superficiel débutée il y a plusieurs mois se poursuit, occasionnant une sismicité parfois importante, ainsi que quelques intrusions dans les parties supérieures des rift-zones. C’est ainsi qu’une modeste éruption débuta le 3 juin peu avant minuit, avec l’ouverture d’une fissure éruptive à un peu plus de 3 km au sud-ouest de la caldeira sommitale du volcan. L’activité ne dura que quelques heures, pour une surface recouverte de seulement 35 hectares.

En Islande, les « feux de Reykjanes» se poursuivent. Après un début d’éruption intense le 29 mai, l’activité s’est stabilisée juste à côté du cône éruptif formé lors de l’éruption de mars-avril. L’activité explosive y construisit un nouveau cône qui engloba progressivement le précédent, avec des coulées plutôt vers le nord. C’est ainsi que le 8 juin, pour la troisième fois en quelques mois, une coulée coupa la route traversant la péninsule de reykjanes après la vidange d’un étang de lave, entraînant la fermeture du Blue Lagoon. Cette coulée s’arrêta rapidement, mais le flux de lave continua dans cette direction et butta contre la barrière créée pour protéger la centrale géothermique, qui dut d’ailleurs être surélevée plusieurs fois. L’éruption dura jusqu’au 22 juin et recouvrit 9,3 km2 en 24 jours, pour un volume de 45 millions de m3, deux paramètres indiquant la plus grande éruption récente dans ce système magmatique. Pour l’instant. L’inflation à Svartsengi reprit avant même la fin de cette éruption, avec un taux indiquant un débit assez stable depuis le mois de janvier, à 4-6 m3/s. La sismicité augmenta aussi progressivement, annonçant une nouvelle éruption qui débuta le 22 août, avec des caractéristiques similaires aux éruptions précédentes. Une fissure éruptive s’ouvrit ainsi exactement dans le même secteur, sur plus de 5 km, avec un débit formidable au départ de l’éruption : entre 1500 et 2000 m3/s ! Mais cette fois, cet impressionnant rideau de lave se propagea vers le nord, au-delà de la colline de Stora-Skogfell et donc à l’opposé du cône précédent. L’éruption se stabilisa à cet endroit, entre le massif de Fagradalsfjall, théâtre de la première éruption de cet épisode volcanique débuté en 2021, et la route traversant la péninsule. Jusqu’au 5 septembre, date de la fin de l’éruption, l’activité y construisit un joli cône et alimenta quelques modestes coulées qui s’épanchèrent assez lentement vers le nord. Élément intéressant, l’énorme bouffée de gaz émis au début de l’éruption a été transportée vers l’Europe, et même si la quantité était trop diluée pour poser des problèmes de santé, une odeur de soufre aurait été ressentie ici et là, en France et au royaume-Uni notamment.

Sommaire de la revue LAVE N°215 parue en septembre 2024