Quelques actualités volcaniques... du 1er septembre au 30 novembre 2024
_______________ Ludovic Leduc _______________
Extrait de la revue LAVE N°216 parue en décembre 2024
Extrait de la revue LAVE N°215 parue en septembre 2024
Extrait de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024
Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...
L’éruption la plus remarquable de cette période est sans conteste celle du Lewotobi, sur l’île indonésienne de Florès. Après une première phase assez intense en décembre 2023 - janvier 2024, l’éruption s’était stabilisée et produisait de modestes panaches de cendres assez régulièrement au-dessus du «Laki-Laki », le sommet Nord-Ouest de ce volcan. à partir du 1er novembre, il n’y eut plus d’explosions, signe sans doute d’un colmatage superficiel empêchant la libération des gaz. Ce bouchon fut pulvérisé par une formidable explosion dans la nuit du 3 au 4 novembre. Le panache de cendres engendré s’est élevé jusqu’à plus de 10 km de haut, mais c’est surtout la taille des projections qui rend compte de la puissance de l’explosion : des blocs de la taille d’une petite voiture sont retombés jusqu’à 5 km, de la taille d’un ballon de basket jusqu’à 6,5 km et de la taille d’une balle de golf jusqu’à 11 km ! Les villages les plus proches se trouvent à 4 km au Nord-Ouest du volcan, dans le secteur où ces bombes volcaniques sont principalement retombées, ce qui explique pourquoi le bilan est malheureusement assez lourd : 9 victimes, une soixantaine de blessés, 2 500 bâtiments touchés, plus de 13 000 évacués... Après cette violente explosion, l’activité explosive a persisté, de manière assez variable, mais à l’origine de plusieurs colonnes de cendres de 5 à 8 km de haut, dispersées globalement vers l’Ouest et occasionnant des perturbations assez importantes pour le trafic aérien et ce, jusqu’à Bali ! Des coulées de lave se sont aussi épanchées sur le flanc Ouest du volcan à partir du 10 novembre, pour un spectacle total que les malheureux habitants voient sans doute bien différemment...
Au Kilauea, à Hawaï, une intrusion magmatique s’est formée dans la rift-zone Est du volcan à partir du 14 septembre, pour finalement percer la surface le lendemain une première fois. Cette activité fut très brève et ne put être observée à cause des nuages couvrant le volcan, mais un survol plus tard permit de découvrir une fissure éruptive inactive dans le secteur du cratère Nāpau, à environ 13 km à l’Est/Sud-Est de la caldeira sommitale et entre les célèbres Mauna Ulu (éruption entre 1969 et 1974) et Pu’u ‘Ō’ō (éruption entre 1983 et 2018). Une nouvelle bouche se forma le lendemain tout juste à l’Ouest de la précédente, mais l’activité y fut très courte également. Puis, une troisième fissure éruptive s’ouvrit vers 4h du matin le 17 septembre, dans le prolongement des deux précédentes, mais à l’Est cette fois, coupant le cratère Nāpau d’Est en Ouest sur 500 m. Les laves recouvrirent un quart de son plancher en 4h, mais au moment où cette activité déclinait, une quatrième fissure éruptive s’ouvrit le 18 septembre vers 15h15, un peu en amont du cratère. Elle alimenta une coulée de lave qui cascada par-dessus la bordure de celui-ci et continua de recouvrir le plancher cratérique jusqu’à la fin de l’éruption le 20 septembre, pour un total de 63 ha sur les 78 ha de cette éruption, ce qui témoigne d’une activité bien modeste.
Sur l’Etna, en Sicile, trois des quatre cratères sommitaux ont été actifs. Une petite activité strombolienne anime le Cratère Nord-Est par intermittence, quelques cendres sont émises de temps en temps par le Cratère Sud-Est et la Voragine a produit un nouveau paroxysme durant cette période, le 10 novembre. Le sommet du volcan étant sous les nuages à ce moment-là, celui-ci a pu être constaté à partir des signaux géophysiques, en plus de l’observation furtive d’une colonne de cendres jusqu’à une altitude de 9 500 m par un pilote de ligne et de retombées dans quelques villages à l’Est du volcan.
A Stromboli, l’activité explosive habituelle est toujours assez intense et a déjà comblé une bonne partie du cratère Nord du volcan, réouvert lors de l’explosion paroxysmale du 11 juillet 2024. L’activité d’éclaboussures sur certaines bouches à l’intérieur de celui-ci est toujours très fréquente, alimentant parfois de courtes et éphémères coulées de lave dans la Sciara del Fuoco. Onze événements de ce type ont pu être comptabilisés dans cette période, en plus de deux explosions majeures les 6 octobre et 2 novembre ! En outre, une pluie d’une vingtaine de minutes le 11 novembre a remobilisé les dépôts de l’explosion du 11 juillet, ce qui a formé d’impressionnantes coulées de boue qui ont dévalé les flancs du volcan, se chargeant de cendres et blocs plus anciens et atteignant les villages de Stromboli . Certaines rues se sont ainsi transformées en véritable torrents, avec quelques dégâts, mais surtout une vraie peur pour les habitants, bien plus finalement que pour le volcan...
L’activité du Shiveluch, au Kamtchatka, n’est pas simple à suivre, mais elle se poursuit, entre extrusion de lave et violentes explosions. C’est ainsi qu’une forte activité explosive s’est produite les 7 et 8 novembre, formant un panache de cendres qui a atteint une hauteur de 8 500 m ! Malgré la couverture nuageuse dense, des éclairs intra-panaches ont pu être remarqués et des cendres sont retombées sur le village d’Oust-Kamtchatsk situé à environ 85 km !
A Ambrym, une courte éruption a animé le cratère Bembow entre le 31 octobre et le 3 novembre, sans doute principalement effusive. C’est la quatrième éruption de ce type depuis l’importante éruption latérale de 2018 qui avait vidangé les deux lacs de lave.
Sur le volcan Kanlaon aux Philippines, l’alerte avait été élevée au niveau 2 après une forte explosion, le 3 juin, qui avait formé un panache de cendres de 5 km de haut. La quantité de SO2 libérée par le volcan était déjà importante, mais à partir de cette date, les niveaux sont devenus bien supérieurs aux 1 300 t/j de moyenne enregistrés sur le premier semestre de l’année. C’est ainsi que le 28 juin, 5 400 t/j pouvaient être comptabilisés, la valeur la plus élevée depuis le début de la surveillance de ce paramètre sur ce volcan, mais le record tomba rapidement et plusieurs fois, jusqu’à l’enregistrement de 11 000 t/j, le 11 septembre ! Le dégazage était alors parfois assez important et des odeurs de soufre étaient signalées dans quelques villages, ce qui poussa les autorités à des évacuations : au 24 septembre, 3 900 personnes se trouvaient ainsi dans des centres temporaires. Depuis le 19 octobre, des émissions de cendres de 300 à 800m de haut sont émises assez régulièrement au-dessus du sommet du volcan, des cendres qui sont pour l’instant des roches anciennes pulvérisées, signe d’une activité phréatique. Le magma qui perturbe actuellement le système hydrothermal de ce volcan parviendra-t-il en surface ?
Enfin, à l’heure d’envoyer cet article, une septième éruption vient de commencer dans le système volcanique de Svartsengi, sur la péninsule islandaise de Reykjanes, la dixième depuis la réactivation volcanique en 2021. Route recouverte, conduite d’eau chaude détruite, parking du Blue Lagoon englouti... Nous verrons ce qu’il en sera par la suite au prochain épisode !