Quelques actualités volcaniques... du 1er juin 2023 au 31 août 2023
_______________ Ludovic Leduc _______________
Extrait de la revue LAVE N°215 parue en septembre 2024
Extrait de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024
Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Extrait de la revue LAVE N°212 parue en décembre 2023
Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...
Une nouvelle éruption a animé la péninsule de Reykjanes, en Islande, pour ce qu’il convient désormais d’appeler les « feux de Fagradalsfjall », en référence aux feux de Krafla qui eurent lieu au nord de l’île entre 1974 et 1984. Après une crise sismique de six jours, une fissure éruptive de 900m de long s’ouvrit dans l’après-midi du 10 juillet 2023, dans la continuité des fissures des éruptions de 2021 et de 2022, à environ 3 km au sud du reconnaissable Mont Keilir. Comme lors des éruptions précédentes, l’explosivité fut très faible, avec des fontaines de lave de 20 à 30 m de haut, et le débit assez modeste, de 15 m3/s au départ puis en décroissance progressive. L’activité se stabilisa rapidement sur la partie médiane de la fissure, où se forma un cône de 25 à 30 m de haut au pied de Litli-Hrútur, un petit mont qui fit office de véritable promontoire pendant toute la durée de l’éruption. Ce cône éruptif alimenta diverses coulées, principalement vers le sud où elles atteignirent la vallée de Meradalir, rejoignant ainsi les laves des deux éruptions précédentes. Mais en raison d’importants feux de mousse, l’accès au site éruptif fut interdit pendant plusieurs jours, notamment au début de l’éruption. Néanmoins, les autorités islandaises firent le nécessaire pour que cette interdiction soit la plus courte possible, que ce soit en luttant contre ces incendies, en aménageant le sentier ou en faisant de la prévention par rapport aux risques volcaniques et météorologiques. Chapeau ! Certains chanceux purent ainsi observer une scène formidable le 19 juillet, lorsque le flanc ouest du cône s’effondra sous la pression du lac qu’il contenait. Une vague de lave extrêmement fluide se déversa alors et construisit une grande mare de lave au pied du cône ! L’éruption dura jusqu’au 5 août et édifia un champ de lave de 1,5 km2, pour un volume de 16 millions de m3, ce qui est légèrement supérieur au volume de l’éruption de 2022 mais ne représente toutefois que 10 % du volume de l’éruption de 2021. Ceci étant, la composition chimique des laves de ces trois éruptions est analogue ce qui, en plus de la disposition des fissures et de leur proximité, témoigne d’un lien net entre les trois éruptions. Alors, à quand la quatrième éruption des feux de Fagradalsfjall ?
Une autre éruption fissurale s’est produite durant ce trimestre, au Piton de la Fournaise sur l’île de La Réunion, d’une durée un peu plus longue pour un volume un peu plus faible que l’éruption islandaise, mais avec une affluence hélas bien différente. Elle a débuté au matin du 2 juillet 2023 par l’ouverture d’une première fissure éruptive à la base est du cône sommital, suivie d’une seconde cinq heures plus tard en contrebas et d’une troisième en soirée, à 3 km des premières ouvertures et à proximité du rempart de l’Enclos... Si bien qu’avec la sismicité qui perdura intensément pendant les trois premiers jours, cela fit craindre l’ouverture d’une quatrième fissure en dehors de l’Enclos Fouqué ! Mais heureusement, l’éruption se stabilisa sur cette troisième fissure et construisit un joli cône d’une trentaine de mètres de haut à 1 720 m d’altitude. Une première coulée descendit les Grandes Pentes jusque dans le Grand Brûlé lors de la première nuit, mais elle s’arrêta vers 650 m d’altitude. Puis, comme de coutume, le débit éruptif diminua drastiquement et les laves ne s’épanchèrent plus qu’aux abords du cône éruptif. L’éruption perdura ainsi, très modeste et stable, avec une activité explosive qui se maintint jusque vers le 20 juillet. À partir de cette date, le spectacle se trouva donc bien réduit et ce, jusqu’à la fin de l’éruption le 10 août, même si le champ de lave s’étendit doucement vers l’aval, atteignant 900 m d’altitude à la fin du mois de juillet : la lave pouvait alors de nouveau être observée depuis la route nationale.
À Hawaï, le Kilauea s’est lui aussi réveillé, pour une éruption qui débuta le 7 juin 2023. Une dizaine de bouches éruptives animées de fontaines de plusieurs dizaines de mètres s’ouvrirent tour à tour, ici et là au fond de la caldeira, théâtre des précédentes éruptions, et envahirent les 150 hectares du plancher en un peu plus d’une heure ! Après ce début d’éruption tonitruant, avec un débit estimé à 150 m3/s qui est largement supérieur aux dernières éruptions, l’activité se calma progressivement. Le nombre d’évents actifs diminua ainsi de jour en jour, comme la surface active au fond du cratère, si bien qu’à partir du 14 juin, il ne restait qu’un évent actif dans la paroi sud-ouest de la caldeira, avec une activité d’éclaboussure modeste et un écoulement alimentant une petite étendue de lave sur le plancher de la caldeira... L’éruption s’arrêta le 19 juin, mais depuis le 23 août, l’activité interne est importante et témoigne d’un édifice de plus en plus pressurisé...
En Sicile, un nouveau paroxysme a animé le Cratère Sud-Est de l’Etna dans la nuit du 13 au 14 août 2023. Des fontaines de lave furent actives pendant plusieurs heures, depuis cinq à six bouches différentes à un moment, du flanc est jusqu’au flanc sud-ouest de ce cône, les bouches les plus orientales étant à l’origine de fontaines obliques qui engendrèrent des retombées importantes dans ce secteur et, par conséquent, de petits écoulements pyroclastiques. Des éclairs accompagnèrent l’évènement, pour un spectacle dantesque ! Une coulée se forma également par l’échancrure sud de ce cône volcanique, mais elle ne s’épancha pas très loin. En revanche, une colonne de cendres de plusieurs kilomètres de haut se forma et fut rabattue vers le sud, parfaitement dans la direction de l’aéroport, ce qui entraîna sa fermeture durant la matinée du 14 août à cause des retombées de cendres. Par ailleurs, un petit cratère d’effondrement s’est formé dans la Bocca Nuova lors de la seconde quinzaine de juillet, dont le dégazage pulsé génère depuis lors de nombreux anneaux de gaz très esthétiques !
Aux Philippines, le Mayon est entré en éruption début juin. C’est une éruption strictement effusive, avec un débordement de lave qui a alimenté une coulée, puis deux, puis trois. Elles atteignent entre 1 et 3,4 km fin août, dans les ravines sud, sud-est et est de ce cône parfait. Les effondrements générés au front de celles-ci alimentent de nombreuses avalanches pyroclastiques et quelques nuées ardentes, mais qui restent contenues dans un rayon de 4 km autour du cratère sommital. Si cette éruption n’a pour l’instant fait aucun dégât, 20 000 personnes ont tout de même été évacuées dès le début de cette éruption !
En Indonésie, l’activité éruptive continue sur le Merapi et le Krakatau, sans changements particuliers. L’activité effusive du premier alimente toujours un dôme de lave sur le flanc sud-ouest du volcan, à l’origine de nombreuses avalanches pyroclastiques dans ce secteur. Quant au second, une modeste activité phréato-magmatique forme quelques panaches de cendres discrets au-dessus de la petite île de temps à autre... Enfin, après une pause d’un mois, l’activité a repris sur le Karangetang, identique à celle d’avant : débordement de lave du cratère sud sur le quart méridional du volcan, générant des avalanches et des courtes nuées ardentes dans ce secteur.
En Océanie toujours, deux puissantes explosions se sont produites sur le Bagana (Papouasie Nouvelle-Guinée), le 7 et le 14 juillet 2023, mais il y a malheureusement très peu d’informations concernant ces événements. Les deux panaches de cendres ont atteint une altitude de plus de 15 km et ont généré d’importantes chutes de cendres qui ont affecté plus de 8 000 personnes et ce, jusqu’à 30 km du volcan !
Enfin, dans les Îles Aléoutiennes, le Shishaldin a fait des siennes. Les images étant rares dans ce secteur, les détails concernant cette activité éruptive sont forcément parcellaires et peu précis. Quoi qu’il en soit, une éruption a débuté dans le cratère sommital le 11 juillet 2023, avec une activité explosive modeste et continue, strombolienne probablement. Mais celle-ci a été entrecoupée de huit paroxysmes jusqu’à la fin du mois d’août, à l’origine de panaches de cendres de 3 à 8 km de haut, dispersés par les vents sur plusieurs centaines de kilomètres. Outre d’importants dépôts de cendres, des coulées de lave, des coulées de boue et des nuées ardentes ont été repérées sur les flancs du volcan.