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  VOLCANS
/ Synthèse de l’actualité volcanique

Quelques actualités volcaniques... du 1er mars au 31 mai 2024

_______________ Ludovic Leduc _______________

Extrait de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024
Extrait de la revue LAVE N°213 parue en avril 2024
Extrait de la revue LAVE N°212 parue en décembre 2023
Extrait de la revue LAVE N°211 parue en octobre 2023

Sans compter les nombreux volcans sous-marins,
40 à 50 volcans en moyenne sont en éruption simultanément sur notre planète.
Heureusement, ces deux pages n’ont pas pour vocation à être une liste exhaustive de celles-ci,
mais plutôt d’axer sur les situations qui me semblent les plus intéressantes...

Aux Galapagos, une éruption débuta le 2 mars sur le haut versant Sud-Est du volcan La Cumbre sur l’île de Fernandina. Une longue fissure éruptive de plus de 4 km de long s’ouvrit entre 1200 et 1000 mètres d’altitude et libéra un important flot de lave formant de très nombreuses coulées. Puis, l’activité se stabilisa au Sud-Est du cratère et alimenta un champ de lave qui atteignit rapidement 6 km de long. Il s’étendit ensuite inexorablement vers l’aval à une vitesse moyenne de 15 m/h qui lui fit atteindre l’océan Pacifique le 7 avril, après 14 km de parcours ! L’éruption perdura ainsi, de manière stable, jusqu’au 9 mai, puis s’arrêta. Cette éruption recouvrit 1550 hectares et en gagna 10 sur l’océan.

En Islande, les « feux de Reykjanes » battent leur plein. Après l’éruption du 8-9 février, le volume critique du réservoir magmatique de Svartsengi fut atteint au début du mois de mars, et la septième éruption, depuis 2021, débuta le 16 mars, sur le plateau en amont de Grindavik, comme les précédentes. Une fissure éruptive de près de 3 km s’ouvrit, obligeant quelques dizaines de personnes revenues à Grindavik et environ 700 personnes au Blue Lagoon à évacuer. Deux flux de lave principaux se formèrent, un vers la route traversant la péninsule de Reykjanes, qui avait déjà été coupée par l’éruption précédente, et une vers le Sud qui fut rapidement détournée par les barrières de protection construite à l’Est de Grindavik. Cette coulée s’arrêta à environ 300 m de la route côtière ! Mais à l’inverse des trois précédentes éruptions, qui ne durèrent pas au-delà de 48 h, celle-ci continua. En effet, l’activité se stabilisa sur la partie Sud de la fissure, formant d’abord une boutonnière de petits cônes puis un édifice assez imposant à partir du 5 avril. Les laves s’épanchèrent principalement autour de celui-ci et vers le Sud, la surface du champ de lave n’augmentant que très peu après les premiers moments de l’éruption. Et même si l’inflation au-dessus du réservoir de Svartsengi repris peu de temps après le début de cette éruption, cela n’influa pas sur le débit éruptif qui diminua progressivement jusqu’à l’arrêt de l’éruption le 8 mai, après 54 jours d’activité. C’est d’ailleurs aux alentours de cette date que cette inflation indiquait que le volume critique avait été atteint...

C’est donc sans surprise qu’une nouvelle éruption débuta le 29 mai, avec un dynamisme tout à fait similaire aux précédentes éruptions : une fissure éruptive de 3,4 km, à proximité et parfaitement alignée avec les précédentes, des fontaines de lave de plusieurs dizaines de mètres de haut formant un véritable rideau de lave et un flot de lave impressionnant ! Le débit durant les premières heures de l’éruption était absolument affolant : entre 1 500 et 2 000 m3/s, de quoi remplir une piscine olympique en 2 secondes ! Par conséquent, la coulée principale s’est épanchée très rapidement, vers le Sud-Ouest ! Après 3h30 d’éruption, elle avait ainsi parcouru au moins 2 500 m, soit à une vitesse de 12 m/min ! Mais les buttes de protection autour de Grindavik ont parfaitement joué leur rôle. Après que la lave soit passée sur la route menant à la ville, elle a ainsi été déviée vers l’Ouest et a recouvert la route du Sud... Après ce départ d’éruption de folie, le débit a nettement diminué et, comme d’habitude, l’activité a commencé à se stabiliser juste à côté du cône formé par la dernière éruption du 16 mars... Alors, que nous réserve la suite ?

L’éruption la plus violente de cette période est sans aucun doute celle qui se produisit sur la petite-île volcan de Ruang, dans l’archipel indonésien de Sulawesi. Et ce qui n’est pas anodin, c’est qu’elle a été déclenchée par un séisme ! En effet, un événement sismique M 6,4 s’est produit le 9 avril dans ce secteur, initiant de manière très nette une sismicité à l’intérieur du volcan, qui s’intensifia après un second séisme M 5,1 le 14 avril. Un dégazage apparut ensuite et une éruption débuta le 16 avril, obligeant les quelques 800 habitants du seul village de l’île à évacuer. C’est donc depuis l’île voisine toute proche qu’ils purent assister à l’intensification de l’activité dans la nuit du 16 au 17 avril, avec des panaches de cendres imposants. Le lendemain, l’activité persista et augmenta de nouveau en soirée, pour une spectaculaire phase paroxysmale : le panache de cendres atteignit 16 km d’altitude et des nuées ardentes dévalèrent les flancs du volcan, parfois jusqu’à la mer ! Puis le volcan se calma pendant une quinzaine de jours, maintenant malgré tout une activité explosive modeste dans le cratère sommital. Les volcanologues indonésiens expliquèrent alors que cette première phase paroxysmale pouvait être considérée comme une des plus puissantes depuis un demi-siècle en Indonésie, mais un second paroxysme encore plus puissant survint dans la nuit du 29 au 30 avril. L’imposant panache de cendres, sillonné d’une multitude d’éclairs encore une fois, atteignit cette fois 19 km d’altitude et s’étala dans la haute atmosphère pour former une ombrelle qui, au lever du soleil, s’étalait sur 200 km de diamètre ! De nombreuses nuées ardentes se formèrent également, et notamment vers le village, brûlant quelques maisons. À environ 4 km du cratère, sur l’île voisine, un habitant fut blessé à la tête par une projection d’environ huit centimètres de diamètre, qui a traversé le toit en tôle de sa maison ! Quant aux cendres, certaines sont retombées assez loin, comme à Manado, à environ 100 km au Sud/Sud-Ouest du volcan, obligeant l’aéroport local à fermer.

Sur l’Etna, en Sicile, une bouche s’est ouverte sur le haut flanc nord du Cratère Sud-Est début avril. Pendant une quinzaine de jours, elle libéra régulièrement des bouffées de gaz, à l’origine de très nombreux anneaux de gaz particulièrement esthétiques.

À l’Erta Ale, en Éthiopie, l’activité effusive se poursuit par intermittence dans la caldeira, précisément au niveau des anciens cratères-puits qui sont désormais remplis, tantôt au Sud, tantôt au nord.

Au Marapi, en Indonésie, d’intenses pluies le 11 mai remobilisèrent les cendres déposées au sommet depuis l’explosion meurtrière du 3 décembre 2023. Cela forma des lahars qui firent au moins 58 victimes supplémentaires et de nombreux dégâts ! Toujours en Indonésie, l’activité continue et plutôt monotone de l’Ibu, depuis 1998, s’est nettement intensifiée depuis la fin du mois d’avril. Les explosions sont en ce moment beaucoup plus puissantes et forment des panaches de cendres jusqu’à 6 km de haut, occasionnant quelques retombées de cendres aux alentours. L’alerte volcanique a été élevée au maximum, occasionnant l’évacuation des villages les plus proches du volcan.

Au Shiveluch, au Kamtchatka, après un an d’un dégazage à 5 km à l’Ouest de la zone habituellement active, un dôme de lave a commencé à se former à cet endroit à partir du 26 avril, mais cette extrusion ne dura que quelques jours...

Au vanuatu, à Ambrym, après deux petites éruptions dans le cratère Bembow depuis l’éruption latérale de 2018, une petite éruption a eu lieu dans le cratère Marum à partir du 19 avril, mais elle fut elle aussi très brève. Enfin, la phase de troubles du Poas, au Costa Rica, continue. Des explosions hydrothermales ou phréatiques se produisent à un rythme assez variable et engendrent des retombées de cendres dans les villages aux alentours. Des odeurs de soufre sont aussi parfois signalées, avec quelques effets sur la santé de certains habitants.

Sommaire de la revue LAVE N°214 parue en juin 2024