Pétrographie & minéralogie
Classification des roches magmatiques
Dans l'esprit général, il y a confusion entre les termes lave, magma et roche volcanique.
On assimile ainsi la lave au magma et roche volcanique est souvent synonyme de basalte.
Pourtant, la réalité de la pétrographie des roches volcaniques est beaucoup plus complexe. Issu des profondeurs du manteau, le magma, mélange de roches et de gaz sous pression, remonte en surface par différence de densité, sous forme de "poches magmatiques".
En géologie, on parle de diapirisme et ces "poches d'ascension" se nomment des diapirs.
Deux phénomènes peuvent alors se produire :
- Dans le premier cas, un magma dit "basaltique", vient alimenter une chambre magmatique et il se produit alors, soit des coulées de laves fluides à partir d'un édifice volcanique, soit une extrusion (formation d'un dôme ou d'une aiguille à partir de laves visqueuses).
- Dans le second cas, un magma dit "granitique", s'infiltre dans les roches environnantes sans pouvoir parvenir à la surface de la croûte terrestre, mais en formant des massifs cristallins : c'est le phénomène de l'intrusion.
Tenerife Canaries - juin 2014
Photographie © Alain Catté 4>
Littlanessfoss - Islande 2019
Photographie © Alain Catté
Classification des roches magmatiques d'après leur composition minéralogique
La classification usuelle des roches magmatiques s'effectue en fonction des minéraux contenus (quartz, feldspaths alcalins et plagioclases). On les divise alors en trois séries dites effusives, filoniennes et intrusives. Ces dernières sont à leur tour découpées en fonction de leur teneur en SIO2 (Oxyde de silicium) pour devenir :
- des roches ultrabasiques, lorsqu'elles possèdent moins de 45% de SIO2,
- des roches basiques, lorsqu'elles ont un rapport en SIO2 compris entre 45 et 52%,
- des roches intermédiaires, lorsque le rapport SIO2 est compris entre 52 et 66%,
- des roches acides, lorsque le rapport en SIO2 dépasse 66%.
Il existe néanmoins une exception à cette classification en fonction du rapport en SIO2.
Ce sont les roches alcalines, riches en sodium et/ou en potassium.
Les roches magmatiques effusives (synonymes : roches extrusives, roches volcaniques, laves ou vulcanites).
Directement issues du volcanisme, ces roches ont cristallisé très rapidement à la surface terrestre. En langage courant, ce sont les laves. Elles sont issues d'un magma relativement fluide qui prend sa source dans les entrailles de la Terre à une profondeur minimale de 40 kilomètres sous les continents et de 10 kilomètres sous les océans.
Selon la classification décrite ci-dessus, elles se décomposent en :
- roches magmatiques effusives ultrabasiques. On ne connaît dans cette catégorie que peu de roches volcaniques dont la meyméchite de Sibérie et la komatiite. Elles ont été émises aux origines de la Terre à des températures très élevées comprises entre 1400 et 1600°C.
- roches magmatiques effusives basiques. Ce sont les roches de la série basaltique, subdivisées en basaltes alcalins (absence de pyroxènes et présence d'olivine) et en tholéiites (présence d'augite et de pyroxènes avec verre dévitrifié ou quartz). Selon leur composition minéralogique, ces basaltes deviennent des océanites ou des picrites (tholéiites ou basaltes alcalins ayant plus de 50% d'olivine), des islandites (tholéiites à plagioclases), des ankaramites (basaltes riches en pyroxènes), des basaltes demi-deuil (basaltes à labradorite et augite), des sakalavites (basaltes sans olivine mais avec au moins 10% de quartz), des shoshonites ou des absarokites (basaltes riches en potassium et en plagioclases), des paléobasaltes (basaltes altérés à pyroxènes, olivine, épidote, chlorite, calcite et serpentine) ou des roches alcalines intermédiaires (syéno-gabbro mieux connu sous la dénomination de "trachybasalte", hawaïte, mugéarite, etnaïte, benmoréite). Les basaltes correspondent généralement à un volcanisme de coulées (rifts ou points chauds). La série basaltique représente à peu près 90% des laves émises sur Terre. Ces laves, très fluides, sont émises à des températures de l'ordre de 1 100°C à 1 200°C. Vers 1 000°C, elles se solidifient formant soit des coulées en blocs scoriacés (ou laves "aa"), soit des laves cordées ou des "pahoehoe", soit des formations prismatiques perpendiculaires aux coulées (orgues basaltiques).
- roches magmatiques effusives alcalines et autres. Généralement assimilées aux roches magmatiques effusives basiques, il s'agit de la seule catégorie de roches magmatiques à ne pas être classifiées en fonction de leur teneur en silicium, mais en fonction de leur teneur en sodium et en potassium. Parmi elles, on trouve les phonolites et une série de roches très proches les unes des autres (les néphélinites, les leucitites, les téphrites et les basanites). Dans cette classification, figurent également des roches originales : ce sont les carbonatites. Il s'agit, en fait, de roches magmatiques ultrafémiques, qui appartiennent à la fois au monde des roches magmatiques effusives et à celui des roches magmatiques intrusives. Un seul volcan actif, fournit à ce jour ce type de laves, riches en carbonates : il s'agit de l'Ol'Doyno Lengaï en Tanzanie. Parmi les roches ultrafémiques, citons également les mélilites.
- roches magmatiques effusives intermédiaires. Cette série comprend les laves visqueuses, émises entre 700°C et 900°C. Ce sont les andésites, trachyandésites, dacites, latites et trachytes (voir aussi dômite). Ces roches se trouvent généralement sur les zones de volcanisme de subduction, donc sur des volcans de type explosif. Ainsi, les andésites, proviennent de la fusion d'éclogites ou d'amphibolites situées à une profondeur variant entre 30 km et 100 km.
- roches magmatiques effusives sialiques ou acides. Ces roches sont émises à une température d'environ 950°C à partir d'un magma tholéiitique ou granitique : il s'agit alors de porphyres et de rhyolites (avec ses variétés hyperalcalines : pantéllérite et comendite). Entre également dans cette classification, la série des obsidiennes, rétinites et ponces.
Les roches magmatiques filoniennes (synonyme : roches hypoabyssales).
Ce sont des roches intermédiaires entre les roches effusives et les roches intrusives. Elles se sont mises en place à des profondeurs terrestres moyennes, sous une pression magmatique suffisante permettant un dégazage partiel et généralement une forte minéralisation. Les roches filonniennes sont dites hypovolcaniques lorsqu'elles s'apparentent aux roches effusives ou périplutoniques lorsqu'elles se rapprochent des roches plutoniques. Elles sont également classées en fonction de leur teneur en SIO2. On distingue ainsi :
- Les roches filoniennes basiques qui comprennent la série doléritique (dolérites, ophites, variolites, …), les lamprophyres et les lamproïtes. La série doléritique est généralement plus connue sous la dénomination de roches dites "en peau de serpent" (en raison de leur aspect ressemblant à des écailles de reptiles : les ophites pyrénéennes, par exemple) ou "roches vertes" (en raison de leur couleur). Il convient également de noter que les dolérites sont fréquemment appelées diabases.
- Les roches filoniennes intermédiaires qui se composent essentiellement des microdiorites.
- Les roches filoniennes sialiques qui comprennent les porphyres granitiques, les granophyres, les pegmatites et les aplites. Ces roches, généralement fortement minéralisées, sont souvent exploitées pour leur potentiel minier (uranium, phosphates, …).
Les roches magmatiques intrusives (synonyme : roches plutoniques).
Dans certains cas, un magma de forte viscosité, s'infiltre au travers de roches existantes, mais ne peut aboutir en surface. La pression empêche alors le dégazage et les roches cristallisent lentement dans les entrailles de la Terre. C'est le phénomène d'intrusion. Il se forme alors des massifs cristallins plus ou moins gigantesques que l'on nomme, en fonction de leur taille et de leur forme batholite, laccolite, lopolite ou filon-couche. Les roches issues de ce phénomène sont dites "intrusives" ou "plutoniques". Comme les deux séries décrites précédemment, elles sont ensuite décomposées en fonction de leur teneur en SIO2.
- Les roches magmatiques intrusives ultrabasiques. C'est dans cette série que l'on trouve, les roches intrusives de grandes profondeurs. La moins connue est sans doute la pyroxénolite, à dominante de pyroxènes, avec ses variétés websterites, diallagites, ariégites, bronzitites, … Avec une composition de près de 90% d'olivine, vient ensuite la dunite. Les compositions variant entre 40% et 90% d'olivine donnent les péridotites (péridotites à pyroxènes ou werhlite, péridotites à orthopyroxènes ou harzburgite, péridotites feldspathiques, péridotites à grenats, …). Dans la famille des péridotites, on trouve également les lherzolites, les cortlandites et la célèbre kimberlite, connue pour sa richesse exceptionnelle en diamants en Afrique du Sud ou en Yakoutie. Figure également dans cette série la hornblendite, roche riche en hornblende et proche des gabbros et diorites.
- Les roches magmatiques intrusives basiques. Cette série comprend essentiellement les différentes formes du gabbro (norite, euphotide, troctolite, hypérite, microgabbro, gabbro orbiculaire) ainsi que les syénites feldspathoïdes, la labradorite et l'anorthosite. Certaines variétés du gabbro sont classifiées en fonction de leur contenu minéralogique. Si le gabbro contient de l'olivine, il devient de la théralite. On parle aussi de teschénites pour les gabbros comprenant de l'analcime ou d'essexites pour les gabbros ayant une teneur en feldspaths alcalins comprise entre 10 et 40%.
- Les roches magmatiques intrusives intermédiaires. On rencontre dans cette série de roches, la granodiorite, la kentallénite, la monzonite, la tonalite, ainsi que la diorite et les syénites alcalines.
- Les roches magmatiques intrusives sialiques. Dans cette série, on trouve la plus célèbre des roches magmatiques intrusives : le granite.
Les granites sont classés en fonction de leur teneur en feldspaths alcalins et en quartz. On parle de granites alcalins lorsque la teneur en feldspaths est supérieure à 90%, d'adamellites lorsqu'elle est comprise entre 33 et 65% et de monzonites quartziques lorsque la teneur en quartz est comprise entre 5 et 20%. Les granophyres et les aplites, classés parmi les roches filoniennes font également partie de la famille des granites.
Pour chaque roche intrusive, il existe une roche effusive ou filonienne équivalente comme le montre le tableau ci-dessous.
Roches effusives
ou filoniennes
Andésite
Basalte et Dolérite
Dacite
Syéno-gabbro
(ou trachybasalte)
Latite et
Trachyandésite
Leucitite
Néphélinite
Rhyolite
Téphrite
Trachyte
Roches intrusives
Diorite
Gabbro
Granodiorite
Kentallénite
Monzonite
Fergusite
Ijolite
Granite
Théralite
Syénite
Diagrammes de Streckeisen (ou diagrammes QAPF)
Albert Streckeisen (8 novembre 1901 - 29 septembre 1998), un géologue-pétrographe suisse, a répertorié les roches magmatiques sur des diagrammes qui portent aujourd'hui son nom mais que l'on nomme également diagrammes QAPF. Le projet de classification des roches magmatiques fut présenté à un congrès de géologie à Prague en 1968. Il faudra cependant attendre le mois de mai 1970 pour qu'une commission de travail se mette à l'œuvre sous la tutelle de l'IUGS (International Union of Geological Science). En 1972, le premier diagramme QAPF relatif aux roches plutoniques voit le jour. Les roches y sont classées selon leur composition minéralogique et en fonction de leur teneur en quatre minéraux distincts : le quartz (Q), les feldspaths alcalins (A), les plagioclases (P) et les feldspathoïdes (F). La commission à l'origine de ce travail, cessera ses recherches en 1988 après avoir également proposé des modèles de classification pour les roches volcaniques et les roches pyroclastiques.
Classification des roches magmatiques d'après leur genèse et leur composition chimique
Entre les années 1950 et 1970, s'est progressivement mise en place une deuxième méthode de classification des roches magmatiques en fonction de leur origine magmatique et de leur composition chimique. Trois grandes séries de roches magmatiques (tholéiitique, calco-alcaline et alcaline) se sont ainsi différenciées auxquelles on adjoint généralement deux séries intermédiaires (shoshonite et transitionnelle).
- La série tholéiitique. Elle s'applique aux roches qui se forment sur le volcanisme de dorsales océaniques, ainsi qu'à quelques cas de volcanismes continentaux ou d'arcs insulaires. Ces roches sont sursaturées en SIO2 (teneur variant entre 45 et 70%), possèdent une forte proportion d'oxyde d’aluminium (AL2O3 entre 12% et 19%) et, au contraire, une faible quantité de potassium (K2O) et de sodium (NA2O). La série tholéiitique comprend les basaltes tholéiitiques, les ferro-basaltes, les icelandites, les andésites basaltiques ainsi que certaines laves de composition rhyolitique. Les gabbros sont les équivalents intrusifs de cette série ainsi que les dolérites pour les roches magmatiques filoniennes.
- La série calco-alcaline. Cette série dite également "série à hyperstène" se subdivise en série calco-alcaline de marges continentales et en série calco-alcaline d'arcs insulaires. Ces roches sont le fruit direct d'un volcanisme de subduction et sont produites par la fusion de roches sédimentaires (argiles, grès, grauwackes, ...) ou métamorphiques (amphibolites, éclogites, ...) lors de l'enfoncement d'une plaque continentale sous une autre. La série calco-alcaline est représentée en grande partie par des roches riches en silicium, et plus particulièrement en quartz, soit les dacites, (entre 62% et 68% de SIO2) et les rhyolites et ignimbrites rhyolitiques, d'une teneur supérieure à 68% de SIO2. Entrent également dans cette série les andésites (teneur en SIO2 comprise entre 53% et 62%), ainsi que des basaltes sursaturés en oxydes d'aluminium (composition chimique en AL2O3 supérieure à 17% et teneur en SIO2 inférieure à 53%). En outre, il semblerait qu'il existe une corrélation entre la teneur en potassium de la série calco-alcaline et la profondeur du plan de Benioff. En effet, le taux en K2O de ces roches augmente avec la profondeur du plan.
- La série alcaline. Cette série est liée au volcanisme intracontinental et au volcanisme basaltique d'extension (grabens et tous les cycles géologiques d'ouverture des océans). Les roches de cette série ont une composition minéralogique à base de feldspathoïdes (analcime, leucite, néphéline, mélilite, sodalite, noséane et haüyne). Elles sont également classées en fonction d'un rapport aluminium/silicium et d'un rapport sodium/potassium définissant une séquence sodique (Na / K > 1) et une séquence potassique (Na / K < 1). La série alcaline comprend les basanites, les basaltes alcalins, les hawaites, les mugéarites, les benmoréites, les néphélinites, les leucitites, les mélilitites, les trachy-andésites, les trachytes et les phonolites. Selon cette classification, s'apparentent également à cette série, deux roches un peu particulières, liées à un volcanisme intracontinental de dykes ou à base de carbonates. Ce sont les kimberlites et les carbonatites.
- La série shoshonitique. Les roches composant cette série ne sont pas à ce jour clairement définies. Néanmoins, elles sont proches de la série calco-alcaline, mais elles en diffèrent par une très forte teneur en potassium ; le rapport chimique K2O/NA2O de ces roches est proche de 1. Les autres éléments minéralogiques de ces roches sont variables mais avec toujours une présence de feldspaths potassiques, de plagioclases, de clinopyroxènes et d'olivine auxquels viennent s'ajouter comme minéraux secondaires des orthopyroxènes, des feldspathoïdes ou des micas riches en fer et en potassium (biotite ou phlogopite). Sont considérées comme faisant partie de cette série, les absarokites (teneur en SIO2 inférieure à 50%), les shoshonites (teneur en SIO2 comprise entre 50% et 57%) et les latites (teneur en SIO2 > 57%).
- La série transitionnelle. Il s'agit de laves intermédiaires entre la série alcaline et la série tholéiitique. Pour être classée dans cette catégorie, la roche doit répondre à la formule mathématique : (Na + K) / Al > 1 (teneur en sodium et potassium supérieure à la teneur en alumines) et posséder des silicates pauvres en calcium (amphiboles alcalines et/ou pyroxènes alcalins). Font ainsi partie de cette série pétrographique, les ferro-basaltes, les basaltes à olivine et hypersthène et les basaltes à andésine. Cependant, les roches les plus connues de cette série sont, sans aucun doute, les pantéllérites et les comendites de l'île de Pantelleria en Italie. Pour répondre au critère (Na + K) / Al > 1, la composition minéralogique des pantéllérites de cette île est la suivante : anorthose, cossyrite (variété d'aenigmatite titanifère), fayalite, hédenbergite et olivine dans une pâte à base de quartz et de feldspaths.